Jean-Michel Jarre, quarante ans plus tard: "Cet album est plus personnel que les autres"
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- Publié le 19-11-2018 à 15h47
- Mis à jour le 19-11-2018 à 15h48
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Musique Le musicien donne une suite à la pièce maîtresse de sa discographie : "Equinoxe Infinity". Il y a quarante ans jour pour jour, le 17 novembre 1978, deux ans après le succès d’Oxygène, Jean-Michel Jarre publiait Équinoxe, son quatrième album et, pour beaucoup, son chef-d’œuvre. Huit pistes sans titre - quatre par face puisqu’on vit encore à l’ère du vinyle -, 39 minutes, et une pochette à l’allure intrigante avec sa horde de personnages fixant on ne sait quoi. Il en vendra plus de 10 millions d’exemplaires. Quatre décennies moins un jour plus tard, puisque l’album est sorti ce vendredi, l’homme de tous les records donne une suite à cette pièce maîtresse de son œuvre : Equinoxe Infinity.
"Je ne suis jamais content de moi"
S’il n’avait, à l’origine, pas dans l’idée de donner une suite à Équinoxe, le musicien s’est laissé embarquer dans l’aventure quand il s’est agi de célébrer les quarante ans de l’album. "Je ne suis jamais très content de ce que je fais, explique-t-il, c’est pour ça que je continue la musique. Il y a un mélange de frustration et d’espoir que la prochaine fois ce sera moins pire ou mieux…"
La première option semble l’avoir emporté haut la main puisque Jean-Michel Jarre se dit plus que satisfait du travail. "Aujourd’hui, si le disque était à refaire, je ne changerais pas une note." "Étrangement, poursuit-il, cet album est plus personnel que les autres mais je ne sais pas expliquer pourquoi. Est-ce dû au temps qui passe ? Au fait que je reviens sur des images de Michel Granger (l’auteur de la pochette d’Équinoxe, NdlR) qui m’ont touché ? La seule chose dont je suis certain, c’est que cet album aura une place particulière dans ma vie."
Écouter Équinoxe Infinity, c’est un peu comme savourer une musique de film imaginée à partir des Watchers, ces personnages de la pochette originale qui garnissent aussi la pochette de sa suite. "Faire de la musique a toujours été pour moi faire la bande-son du scénario ou du film qu’on se fait dans sa tête", fait remarquer Jean-Michel Jarre, qui, quarante plus tard, reste fasciné par l’artwork d’Équinoxe, devenu culte depuis longtemps.
Deux visuels différents qui impressionnent
Pour Infinity, le musicien a demandé à l’artiste tchèque Filip Hodas, de retravailler le concept de ces Watchers. Résultat : deux visuels différents qui impressionnent, en particulier sur la version vinyle. La première version propose un monde apaisé où dominent les teintes vertes et bleues synonymes de nature, la seconde offre à voir un monde plus apocalyptique où le rouge et le jaune l’emportent.
"Ça correspond à deux futurs possibles, souligne le musicien. Deux futurs possibles liés à notre rapport avec la technologie qui est au cœur de ce disque. Je pense qu’on ne pourra survivre au XXI siècle que si on évolue en bonne intelligence avec à la fois la nature, et les nouvelles technologies, insiste-t-il. Ces deux facteurs sont bien plus interdépendants qu’on ne le pense. Il faut reconnaître que d’ici 10 à 15 ans, des algorithmes d’intelligence artificielle - des robots - seront capables de proposer de la musique originale, de faire des films, de raconter des histoires dans des livres… Il ne faut pas nécessairement s’en désoler ou en avoir peur. Chaque génération, qu’il s’agisse de nos parents ou de nos grands-parents, a cette attitude très humaine qui consiste à dire qu’hier c’était mieux et demain ce sera pire. On oublie que les futurs successifs ont été meilleurs que pire, sinon nous ne serions pas en train de se parler. Loin de moi l’idée de penser que c’est parfait aujourd’hui mais notre futur n’est pas aussi noir qu’on veut bien le penser."
"Il faut aller jouer en Iran et en Corée"
Le musicien, adepte des performances live hors norme, a récemment terminé une tournée de 250 dates, durant laquelle il a notamment donné un concert dont il est très fier… en Arabie saoudite. "C’était il y a un mois, dit-il, mais on en a très peu parlé. C’était pourtant un moment historique puisque c’était le premier en extérieur devant 50 000 personnes, hommes et femmes mélangés, ce qui était inimaginable il y a encore un an."
En évoquant cette étape de sa tournée, Jean-Michel Jarre apporte une mise au point. "Je suis opposé à toute forme de boycott, insiste-t-il. Il faut aller dans des pays comme ceux-là, même s’il s’est passé ce qui est arrivé récemment (allusion à l’affaire Jamal Khashoggi, du nom de ce journaliste opposé au régime en place à Riyad et tué dans le consulat saoudien en Turquie, NdlR). Si demain j’avais à retourner en Arabie saoudite, j’irais. Ma mère, qui était une grande résistante, m’a élevé avec l’idée qu’il faut faire la différence entre l’idéologie et un peuple, entre les nazis et les Allemands. Aujourd’hui, il faut aller jouer en Iran et en Corée du Nord. C’est très important parce que sinon on applique la double peine aux gens. Si, en plus de ne pas avoir les mêmes droits que dans d’autres pays, ces populations sont privées de culture, de musique ou de cinéma, on finit par collaborer indirectement à la radicalisation et à l’aliénation."