Un Fidelio graphique et vertical
- Publié le 07-12-2018 à 15h07
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Achim Freyer signe une passionnante production de l’opéra de Beethoven.Encore un très beau spectacle d’opéra qui, au gré des coproductions, atterrit - pour deux soirs seulement hélas - à Luxembourg : le Fidelio monté en 2016 par Marc Minkowski et Achim Freyer aux Wiener Festwochen. Aux commandes du Philharmonique de Luxembourg - quelques réglages restaient nécessaires pour parachever cette rencontre mercredi à la première - le chef français livre une belle lecture, contrastée à souhait, vive mais sans excès et amoureusement soutenante de ses chanteurs. La distribution est honnête sans être exceptionnelle, avec de l’excellent (le Rocco de Franz Hawlata, le Jaquino de Julien Behr) et du bon (les Leonore, Florestan, Marzelline, Pizzaro et Fernando).
Mais avouons-le : le visuel prend le pas sur la musique. Pas de relecture, de concept, de provocation - le vétéran Achim Freyer est un poète - mais une imagination débridée et une technologie éblouissante pour une mise en scène plus graphique que théâtrale, qui emprunte tout à la fois à Jérôme Bosch, à Goya, au street art, à la kabbale et à la bande dessinée. Dans un dispositif scénique vertical - échafaudage que la vidéo déguise en balcons - chaque personnage se voit assigner une case dont il ne bougera pas de la soirée, si ce n’est pour tourner sur lui-même, surgissant comme un diable d’une boîte quand il chante. Les prisonniers sont au niveau de la scène - le moment où le rideau se lève légèrement et qu’on les voit ramper sur le chœur O welcher Lust est bouleversant - et Florestan, corps et visage tuméfié par une peinture naïve, est comme un Christ au bas de ce retable.
La tonalité prédominante est à l’humour très noir (des poupées de chiffons figurent les prisonniers torturés, tout le monde danse au final) mais, quand la partition se fait émouvante (comme dans le quatuor Mir ist so wunderbar), les masques grimaçants tombent et la grâce trouve sa place. Une vision inclassable, incomparable et fascinante…
Luxembourg, Grand théâtre de la Ville, vendredi 7 à 20h ; www.lestheatres.lu