Jodie, comtesse de Formoutiers: "Physiquement, c'est un rôle très éprouvant"
- Publié le 15-12-2018 à 15h12
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"Le Comte Ory" de Rossini avec Jodie Devos, à nouveau tête d’affiche à l’ORW.
En décembre 2017, à l’Opéra-Comique, Jodie Devos incarnait Alice, petit rôle du Comte Ory dans une mise en scène de Denis Podalydès. Un an plus tard, le spectacle est repris à l’Opéra de Wallonie et la soprano belge a pris du galon : elle chante désormais Adèle, la belle comtesse de Formoutiers que tente de séduire le rusé comte Ory. Comment passe-t-on d’un rôle à l’autre ? "Alice, c’est la petite paysanne, dernière chanteuse de la troupe, là où la Comtesse Adèle est une vraie première chanteuse ! Physiquement, c’est un rôle très éprouvant, assez long. En Alice, j’étais sur scène tout au long du premier acte, mais mes qualités d’actrice étaient plus requises que mes qualités de chanteuse ; ici, les deux sont réunies. Ce qui m’a aidé, bien sûr, est que j’étais déjà à Paris la doublure de Julie Fuchs, qui chantait la Comtesse. Julie, qui venait de tomber enceinte, m’a demandé de chanter la pré-générale."
Deuxième lauréate du Concours Reine Elisabeth en 2014, Jodie Devos vient seulement d’avoir trente ans. Est-ce l’âge de la Comtesse Adèle ? "Non, la Comtesse a une vingtaine d’années ! Dans ce métier, on est toujours trop vieille pour le rôle ! Si j’ai la chance de chanter Lucia à 37 ans, j’aurai déjà quinze ans de trop… Une Traviata de trente ans serait parfaite, mais qui peut se vanter de chanter Violetta à trente ans ?" Fût-elle un peu âgée - tout est relatif ! - cette Comtesse Adèle marque en tout cas déjà le deuxième grand rôle rossinien de la soprano après Rosina du Barbier de Séville. Et, ajoute-t-elle enthousiaste : "L’été prochain, je chanterai Jemmy dans Guillaume Tell aux Chorégies d’Orange. Je pourrais devenir une rossinienne, en tout cas j’en ai la volonté et les capacités. Mais cela s’apprend, tout est dans les vocalises, la légèreté, la précision du chant. Surtout la précision rythmique qui est incomparable chez Rossini." Est-elle prête, comme quelques grands interprètes rossiniens actuels, à aller se former à l’Académie d’été de Pesaro ? Elle aurait aimé le faire, dit-elle, mais ajoute aussitôt : "Je n’ai plus le temps de faire les académies, et mes agents m’ont dit que ce stade était dépassé pour moi, qu’il fallait que je chante dans les productions."
Météore
Il est vrai que la carrière de Devos a été météorique, rapide et courte à la fois : "Le Concours a été, en juin 2014, un déclencheur essentiel. Certes, six mois plus tard, j’ai remplacé au pied levé Sabine Devieilhe dans la Chauve-souris à l’Opéra-Comique, mais sans le Concours cela n’aurait pas eu le même impact, je n’aurais pas rencontré mes agents ni commencé à auditionner aussi vite. J’ai certes de très bons agents qui m’ont bien vendue, mais c’est le Concours qui m’a révélée en tant qu’artiste. Ce deuxième prix m’a donné une crédibilité auprès des directeurs de théâtres, et les vidéos du Concours - avec un véritable orchestre d’opéra et des images de qualité professionnelle - sont un cadeau pour les jeunes artistes : un très bel outil pour le démarchage."
Après Liège, au printemps, Devos retrouvera la Reine de la Nuit à l’Opéra de Paris. Un rôle dans lequel elle a eu la chance de débuter avec Christophe Rousset - avec un diapason à 432 Hz - mais où elle reconnaît avoir souffert quelque peu, notamment du poids de son costume, dans la récente production de Romeo Castellucci à la Monnaie. Sa détermination et son ambition de réussir n’en semblent toutefois pas amoindries.Nicolas Blanmont
Liège, Théâtre Royal, du 21 décembre au 2 janvier ; www.operaliege.be