Les Bruxellois de Montevideo ressuscitent la folie de "Madchester"
Après une pause de six ans et un passage par Brooklyn, les rockeurs Bruxellois reviennent gonflés à bloc avec un troisième album, Temperplane. Rencontre avec Jean Waterlot (chant et claviers) et Gabriel Reding (basse) avant le concert qu'ils donneront à l'Ancienne Belgique (Bruxelles) ce vendredi.
Publié le 19-01-2019 à 16h50 - Mis à jour le 30-01-2019 à 13h31
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Après une pause de six ans et un passage par Brooklyn, les rockeurs Bruxellois reviennent gonflés à bloc avec un troisième album, Temperplane. Rencontre avec Jean Waterlot (chant et claviers) et Gabriel Reding (basse) avant le concert qu'ils donneront à l'Ancienne Belgique (Bruxelles) ce vendredi.
Depuis 2006, date de sortie de leur 1er album, Montevideo a acquis plusieurs réputations. D’une part, le groupe bruxellois est reconnu comme une valeur sûre en matière de dance-rock belge. D’autre part, on sait à présent que ses membres aiment prendre leur temps pour peaufiner chacun de leurs disques, censés marquer à chaque fois une nouvelle mue, une nouvelle direction, sans jamais renier leurs racines dansantes et sophistiquées. Cette fois, c’est près de sept ans qui séparent leur dernier Personal Space et ce Temperplane. Mais pourquoi diable une telle attente ? !
Jean Waterlot : "Ça a été très compliqué pour nous après la sortie de notre deuxième album. En fait, notre maison de disques (EMI à l’époque, rachetée par Universal en 2012, NdlR) s’est euh… volatilisée. Mais ça nous a permis de retrouver une certaine liberté de penser, pour ne pas citer l’autre."
Vous revenez avec un disque bardé de nouvelles sonorités. Vous trouvez ça facile de se réinventer à chaque fois ?
Gabriel Reding : "Non, pas du tout. Mais cette fois-ci on a voulu faire des choix radicaux pour retrouver la spontanéité de nos débuts."
Jean Waterlot : "Chaque album est comme un instantané de la vie du groupe. Sur le deuxième, on avait la trentaine, on commençait à se poser, on sortait moins. Les paroles étaient une sorte de trip fantasmé sur cette période de fêtes… C’était très mélancolique, voire nostalgique en fait."
Vous considérez ce troisième album comme une libération par rapport à cette période de nostalgie ?
Jean Waterlot : "Complètement : c’est l’aigle royal qui survole la scène belge, qui n’a rien à envier aux Anglo-Saxons (rires) . Non je rigole. En plus, on n’a jamais osé aller jouer en Angleterre…"
Avec Temperplane, ça devrait changer : on y entend l’influence du mouvement Madchester (voir ci-contre), des sonorités très eighties-début nineties.
Jean Waterlot : "C’est une direction que notre producteur Joakim nous a suggérée. Par exemple, le premier morceau "Fun House" utilise le même sample que "Fools Gold" des Stone Roses (groupe phare d’indie rock originaire de Manchester, NdlR) qui lui-même utilise aussi un sample de funk. C’est le morceau fondateur de l’album ; quand on l’a terminé, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à creuser. On est revenus avec quelque chose de totalement assumé, qui nous correspond à fond. On n’a jamais été aussi fiers d’un disque."
Temperplane, c’est un mot inventé. D’où vous vient-il ?
Jean Waterlot : "Il y a cette idée de flottement, comme un avion, puis de variations d’humeurs ("temper", en anglais)… On est passés par plein d’états émotionnels en six ans. On s’est envolés pour Brooklyn début 2016 et différents trucs se sont produits : d’abord la mort de Bowie, puis les attentats de Bruxelles, qui nous ont beaucoup marqués. C’est pour ça que j’aime bien ce titre : il évoque ces ascenseurs émotionnels."
Vous pensez que les attentats ont pu avoir une influence sur cette nouvelle musique ?
Gabriel Reding : "Il y avait un côté irréel qui s’est peut-être retrouvé dans l’album. On avait composé toutes les maquettes à côté de la cachette des terroristes, dans le fin fond de Molenbeek. C’était dans une maison pourrie, sans chauffage, avec un vieil halogène pour seul éclairage… Puis lors d’un autre aller-retour à New-York, une fois arrivés, on voit qu’on parle de morts à Bruxelles sur tous les écrans de l’aéroport, avec l’exagération très américaine…"
Jean Waterlot : "C’est plein de choses étranges qui font qu’on avait un peu l’impression de flotter, d’être dans un trip "lost in space"… Temperplane , c’est tout ça à la fois : la "sagesse" d’une certaine maturité, mélangée aux doutes, aux peurs, aux envies d’ailleurs et au zeste de folie qui feront toujours partie de nous."
Booster la vie nocturne à Bruxelles
Madchester est une contraction entre les termes "mad" (fou, en anglais) et Manchester, cette ville du nord de l’Angleterre. Rivale de Liverpool et de Londres, elle a connu un boom culturel phénoménal entre la fin des années 80 et le début des années 90, notamment sous l’impulsion du label Factory (1978-1992), principale écurie de la musique indépendante anglaise. Fondé par l’animateur télé Tony Wilson, il est aussi à l’origine de la création d’un des clubs les plus mythiques de l’histoire musicale populaire : l’Haçienda (1982-1997). Pionnière dans la promotion du post-punk, elle organisait surtout les soirées house, acid-house et techno les plus déjantées de son époque, avec des DJ’s comme Laurent Garnier et des groupes comme New Order ou encore Happy Mondays, influences majeures pour Montevideo sur leur nouvel album.
"C’était une époque de dingue, confie le chanteur. On a un peu la nostalgie de ces années-là, même si on ne les a pas vraiment vécues… On aimerait bien que Bruxelles connaisse à nouveau une ébullition similaire. Je sais que certains lieux vont déjà dans ce sens, je pense notamment au C12 (club de techno bruxellois, NdlR) qui a ouvert récemment. Personnellement, je suis prêt à investir pour booster la vie nocturne à Bruxelles et en Belgique. Peut-être que ça nous donnera envie de créer un album entièrement électronique, on ne ferme la porte devant aucune possibilité !"