Dominique A : "J’ai un public de sadiques"
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Publié le 25-01-2019 à 11h14
Le chanteur, compositeur français a sorti deux superbes albums en 2018. Retour sur vingt-cinq ans de carrière hors des sentiers battus. Et rencontre intimiste avant ses deux concerts bruxellois.Sortir deux albums en un an, c’est plutôt inhabituel.
Vous êtes particulièrement prolifique en ce moment ?
Je vous rassure, l’habitude ne va pas durer. C’était inscrit dans le cahier des charges que je m’étais fixé et il fallait s’y tenir. La Fragilité (2018) c’est la continuité d’Éléor (2015), mais je ne voulais pas que les deux se suivent. Je me posais aussi la question de savoir comment revenir auprès des gens sans qu’une routine s’installe, pour eux et pour moi. Il y a cette idée de se régénérer car, au bout de deux ou trois disques, votre cas est répertorié. Si vous n’arrivez pas avec un propos un peu marqué, à part le fait de gagner sa vie avec des albums, ça ne se justifie pas vraiment.
Cela fait 26 ans que vous tracez votre route dans le paysage musical. Aujourd’hui, on peut dire que "ça marche" pour vous ?
Ça marche ? Pas tant que ça. Disons qu’il y a un public qui est heureusement là et qui me permet de faire mon travail dans de très bonnes conditions. J’en vis bien, mais ce n’est pas un carton. Je ne peux pas m’arrêter pendant cinq ans, mais je peux ne rien faire pendant deux ans, ce qui est déjà un luxe formidable. Par contre, c’est un public qui est exigeant. Il a souvent la langue assez dure, donc je me dois d’être bien dans mes baskets et à l’aise avec mes disques au moment où ils arrivent parce que je sais que même ceux qui m’aiment bien vont me tomber sur le râble. C’est un public de sadiques. (rires)
Cette exigence de leur part vous a-t-elle déjà poussé à jeter des chansons à la poubelle ?
Non, parce que je me pose la question de l’accueil d’un titre à un stade assez avancé de l’enregistrement ou du mixage. L’univers de la chanson pop dans lequel les gens essayent d’appliquer les recettes qui marchent me fascine. Je n’y suis pas hostile, mais ce n’est pas du tout mon truc.
Avez-vous déjà tenté de jouer le jeu ? De prendre une approche tout à fait différente pour écrire LE tube ultime qui vous permettrait de vivre de vos rentes ?
Oui, mais, à chaque fois, je me suis vautré. Je ne sais pas faire ça. Ceci étant dit, je ne m’interdis rien, et certainement pas d’essayer. Ce sont des chansons, c’est un art simple… En tout cas pour moi. Je n’ai pas une chanson qui est ma rente façon Born to be alive, mais, quand j’avais écrit pour Calogero, même s’il ne s’agissait que des textes, ça me rapportait beaucoup de sous.
"La Fragilité" rappelle "La Fossette", l’album que vous avez sorti en 1992…
Vous n’êtes pas le premier à me le dire. Il y a un point commun : ils ont tous les deux été faits en home studio. Ce qui les rapproche également, c’est la fragilité et l’intensité des premières prises. À l’époque de La Fossette, c’était pour des raisons de paresse. Je ne savais pas que j’allais être écouté lorsque je l’ai enregistré. Les chansons étaient destinées à des copains, je ne pensais pas sortir un disque. Plein de choses ont été laissées en l’état alors que ce n’était que le début du travail. C’est la même chose pour La Fragilité. La plupart des titres ont été captés au saut du lit. C’était la première fois que je les jouais et que je les chantais. C’est le contraire du disque précédent sur lequel on a travaillé comme des malades.