Qui est Bilal Hassani, ce queer au look déjanté, favori pour représenter la France à l'Eurovision?
- Publié le 27-01-2019 à 12h11
- Mis à jour le 04-02-2019 à 16h04
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Favori pour représenter la France à l’Eurovision, le flamboyant jeune chanteur, souvent victime d’attaques homophobes, suscite les passions.
Gueule d’ange et tête de Turc, Bilal Hassani, youtubeur chanteur de 19 ans, est un adonis queer au look déjanté. Décrié sur les réseaux sociaux, il défie en souriant les préjugés. Chanteur délicat, il est donné grand favori pour défendre les couleurs de la France à l’Eurovision. La finale nationale du concours de chant, qui aura lieu le 26 janvier, dira s’il sera l’élu.Gueule d’ange et tête de Turc, Bilal Hassani, youtubeur chanteur de 19 ans, est un adonis queer au look déjanté. Décrié sur les réseaux sociaux, il défie en souriant les préjugés. Chanteur délicat, il est donné grand favori pour défendre les couleurs de la France à l’Eurovision. La finale nationale du concours de chant, qui aura lieu le 26 janvier, dira s’il sera l’élu.
Intrigué par le phénomène et aussi, il est vrai, un peu fasciné et charmé, on a voulu en savoir plus sur cet ovni. Le jeune homme nous reçoit dans les locaux de son label, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Il est coiffé de Stormi, sa perruque star du moment, avec un simple pantalon taille haute et une paire de Buffalo aux pieds. Arrivé dans les studios d’enregistrement, il lâche : «C’est le paradis ici, je me sens comme à la maison !» Il pose pour la photo, s’amuse. «Je vis un rêve de gosse. Je regarde l’Eurovision depuis mes 9 ans.» Amina, sa mère, qui l’accompagne partout, remarque une pliure sur sa veste et se presse de la rectifier.
Son titre en compétition, Roi, peut-être prémonitoire, a été coécrit avec le duo pop Madame Monsieur, les candidats malchanceux de l’an dernier. Avec eux, il a développé une grande complicité. Il les considère comme «ses parents dans le monde de l’industrie musicale». Son morceau de r’n’b en franglais sur l’acceptation de soi et le rejet que doivent affronter ceux qui ne rentrent pas dans le moule cartonne et écrase la concurrence. Numéro 1 sur iTunes, près de 4 millions de vues sur YouTube.
Il n’en est pas à son coup d’essai. Agaçant pour certains, drôle ou iconique pour d’autres, Bilal Hassani a l’habitude de commencer chacune de ses vidéos par son gimmick «bonsoir Pariiis !» . Il aime s’afficher totalement décomplexé dans un crop top à paillettes et pantalon à froufrou, avec un maquillage nude et une panoplie de perruques en tous genres. Fan de mode et de créateurs comme Tom Ford, Virgil Abloh ou Alexander McQueen, il s’amuse à personnifier ses coiffures sur les conseils avisés de ses followers. «Vérona» est vert pastel, «Sakura» rose fluo, etc. Son rendez-vous vidéo hebdomadaire, qu’il a commencé en novembre 2016, draine des foules de «Sisters» ou de «Vies», surnoms qu’il donne à ses abonnés. Les histoires qu’il raconte, «viré de [son] lycée car [il est] gay», «[ses] dix pires phobies», sont sans filtre, d’une authenticité déconcertante et loin d’être superficielles. Son coming out en chanson a ainsi ému sa communauté. «Je ne peux pas stopper la haine qui juge notre amour/ Mais je serai heureux lorsque j’aurai le droit de te tenir la main», fredonne-t-il.
Sinon, Bilal Hassani a peur des clowns, «c’est l’équivalent hétéro des drag-queens, c’est moche et ça mange les enfants», et a récemment fait le buzz avec sa reprise du tube de l’été 2018 Djadja, de la chanteuse Aya Nakamura. Le youtubeur s’y montre en tailleur bleu céleste, postiche blond platine à la Lady Gaga, et s’assume avec un déhanché à faire trembler la caméra. Magnifique.
Révélé à 14 ans dans la saison 2 de The Voice Kids, Bilal était alors, logiquement, plus discret, moins affirmé. Il avait conquis le jury en interprétant Rise Like a Phoenix, titre fétiche de Conchita Wurst, l’artiste drag-queen autrichienne, lauréate de l’Eurovision. De cette consécration est née la vocation. Il a appris le piano et le chant au conservatoire et s’est perfectionné dans la danse et le jeu théâtral à l’Académie de comédie musicale de Paris.
Depuis tout petit, dans la cour de récré, on lui dit qu’il n’est pas normal et qu’il doit changer. Sa différence est aujourd’hui une force qu’il revendique. Il garde la tête haute et passe outre les invectives. Bilal le sait, dès qu’il poste une vidéo, il a le droit à un déferlement de haine homophobe et raciste. «Une dizaine d’insultes par minute», égrène-t-il, fataliste. Des cyberharceleurs sans limites, allant jusqu’aux menaces de mort, qui se désolent par exemple qu’il «n’ait pas explosé au Bataclan» . Certains trolls le qualifient de «fléau pour l’humanité». Au point que, le 13 novembre dernier, deux députés, Gabriel Serville et Raphaël Gérard, sont montés au créneau pour prendre sa défense. Ils ont interpellé la direction de Twitter et ont dénoncé le cyberharcèlement LGBT-phobe. «Je ne ressens aucune envie de vengeance face à mes détracteurs, j’apprends à vivre avec», évacue la star en herbe, qui en a marre, aussi, qu’on la ramène toujours à ce sujet.
Sa mère est un soutien de taille. Amina a volé à son secours avec humour et spontanéité dans une vidéo coup de gueule intitulée «Ma mère répond aux méchants commentaires», sans mâcher ses mots. «Si ça t’agace, tu ne regardes pas la chaîne de Bilal, on se passera de tes commentaires. Trente secondes à t’écouter, c’est déjà de trop. Allez, au suivant !» A la maison, elle a réussi aussi à dissiper le malaise qu’il suscitait dans les réunions familiales, surtout quand il jouait avec ses Barbies et se déguisait en princesse pour Halloween. Le jour où il lui a annoncé sa préférence pour les garçons, la cheffe de projet informatique lui a simplement demandé d’aller faire la vaisselle. Il vit toujours chez elle, en Seine-Saint-Denis, avec son frère et complice, Tahar. Son père, séparé, travaille dans la tech à Singapour et le soutient à distance.
Bienveillant mais vigilant, pas dupe de ce qui pourrait arriver, Bilal Hassani, qui a mis de côté sa licence d’anglais à la Sorbonne, doit faire protéger ses showcases par des gardes du corps. Il ne porte pas ses perruques à l’extérieur et ne prend jamais les transports en commun, pour éviter les mauvaises rencontres. Il lui est arrivé d’être coursé dans le métro et suivi dans la rue. «Une expérience traumatisante», dit-il.
Depuis son adolescence, tous les ans, il participe à la Marche des fiertés. Pour autant, il ne se considère pas comme un porte-drapeau de la communauté LGBT. Une charge trop lourde à porter du haut de ses 19 ans. Il préfère envisager la politique par le prisme de la mode. Peu bavard sur le Président, il se lâche ainsi sur la première dame : «Brigitte Macron, c’est ma queen, je l’aime trop. C’est une légende, c’est un style, elle s’habille trop bien.»
En attendant les prochaines échéances, pour se rassurer, il a besoin de continuer de se sentir proche de ses «Sisters». Et il prend le temps de regarder avec gourmandise son dessin animé, Miraculous, les aventures de Ladybug et Chat noir, bonbon routinier. Sans oublier le plaisir de l’amour. En couple avec un parfait anonyme, Bilal Hassani a rencontré son Jay-Z au concert de Beyoncé au Stade de France.