Requin chagrin, le prédateur pop de demain
- Publié le 29-01-2019 à 13h44
- Mis à jour le 29-01-2019 à 14h45
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Le premier groupe signé sur le label de Nicola Sirkis sort un album de surf rock prometteur.
Timide, presque fragile dans la posture et l'attitude, Marion Brunetto a des allures de petit chaton jeté malgré lui dans le monde carnassier de l'industrie musicale. Pourtant, à 27 ans, c'est elle le requin. Lorsque nous la rencontrons à Bruxelles, fin janvier, la demoiselle s'apprête à sortir un second album baptisé Sémaphore (25/01, KMS/Sony), fait la une des magazines avec son groupe - "Requin Chagrin" - dont elle a composé et joué l'intégralité des morceaux, et revient sur sa passion pour la guitare. "J'ai fait mes débuts dans la scène garage rock de Paris" raconte-elle. "Et j'ai décidé de me lancer quand j'ai vu tout ces groupes sortir des sons incroyables alors qu'ils enregistraient chez eux avec les moyens du bord."
Alors que son groupe est catalogué "pop", "dream pop" ou "surf rock", avec tout ce que ces appellations ont de vague, Marion ne jure que par les guitares crasses, la réverb' et le fuzz propres au punk et au garage. "Disons que j'ai mêlé ces influences avec mes codes à moi, ma mélancolie, mes doutes, mon côté moins 'vénère'" poursuit la jeune femme. "J'ai commencé derrière une batterie car c'est ce que recherchaient tous les groupes de Paris. Il y avait en quelque sorte une pénurie de batteurs. Puis je me suis remise à la guitare, et ce qu'est qu'après avoir eu la musique, que j'ai composé mes textes."
Un premier disque lance Marion et ses trois compères sur la route dès 2015, où ils sont repérés par un certain Nicola Sirkis qui les signe et les embarque en première partie (lire ci-contre). Ainsi formée sur le terrain, la demoiselle compose de nouveaux morceaux, plus ambitieux et assumés. "Sémaphore est moins brut, plus sombre, plus abouti. On a voulu se donner des respirations, par exemple, ce qui explique que les morceaux soient plus longs. Le live nous a donné envie de nous faire plaisir et d'installer une ambiance."
En bonne prédatrice marine solitaire, elle enregistre tous les instruments elle-même, piste par piste, pour mieux définir les contours de son univers. "Il y a un côté planant, rêveur" assure Marion. "Ca varie pas mal selon les morceaux, "Le Grand Voyage" a un côté shoegaze, "Nuit" relève davantage de la ballade folk un peu sombre. J'oscille sans arrêt entre la noirceur et l'enthousiasme." Histoire de ne pas donner envie à son public de se jeter dans La Seine, elle ajoute consciemment à cet ensemble des refrains pop et des mélodies chantantes, fusionnant pour l'occasion, deux de ses références principales : The Cure et les Beach Boys.

"Nicola Sirkis veut vous envoyer un message"
Un petit coup de pouce peut faire gagner à un jeune groupe des années et des années d'efforts. Quelque temps après la sortie de son premier album, Marion est remarquée par un certain Nicola Sirkis. "J'étais au boulot ce jour-là, je m'en souviens très bien" se remémore la jeune femme. "J'ai reçu une alerte Twitter me disant 'Nicola Sirkis veut vous envoyer un message'. Ca s'est fait rapidement, simplement. On a commencé à discuter, il m'a dit qu'il aimait beaucoup nos premières compositions, le fait qu'on chante en français, et il m'a proposé de signer sur son label". Le leader d'Indochine vient tout juste de lancer KMS Disques, à l'époque, il fait de "Requin Chagrin" sa première signature. Ni une ni deux, Sirkis embarque le groupe avec lui sur la tournée 2018 d'Indochine et le programme en première partie sur les dix-sept dernières dates de son "13 tour". "J'avais du mal à me projeter là-dessus, mais je me suis dit que c'était un peu bête de ne pas tenter l'aventure" conclut Marion Brunetto. "Ni pour moi, ni pour Nicola, l'idée est de faire une copie d'Indochine. Chacun est dans son univers, et leur public nous a très bien accueilli."
Requin chagrin, Sémaphore **
Tout est fusion, aujourd'hui, à tel point qu'il en devient difficile de mettre un "nom" sur l'univers musical d'un groupe. En mêlant ses influences garage rock, sa passion pour les Beach Boys ou The Cure, et ses envies de refrains chantants, Marion Brunetto supprime les frontières entre la pop rêveuse, le surf rock planant et le shoegaze fataliste. Avec l'omniprésence bienvenue des guitares, son "Requin Chagrin" nous fait par ailleurs penser à un autre groupe phare du rock français sous influence - les Limiñanas - auquel elle ajoute à bon escient des refrains pop. Dans l'ensemble, tout cela est bien conçu, agréable à l'écoute, et plutôt abouti, notamment sur l'excellent Mauvais Présage. Mais les ficelles sont encore trop grosses et la voix de Marion un poil trop faiblarde pour totalement convaincre. Essai intéressant, donc, mais à transformer sur la durée.
Requin Chagrin, Sémaphore (KMS Disques/Sony), sorti le 25/01