"Anna Bolena": quand Mazzonis rencontre Holbein
- Publié le 09-02-2019 à 14h56
- Mis à jour le 09-02-2019 à 14h57
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Le patron de l’ORW dans une lecture historique de l’"Anna Bolena" de Donizetti.Stefano Mazzonis ne chôme pas en ce début d’année. Alors qu’il prépare à Liège une nouvelle production d’Aida, à l’affiche dès le 26 février, le directeur de l’Opéra de Wallonie signe également à Lausanne une Anna Bolena de Donizetti qui viendra chez nous en avril. Si le chef-d’œuvre de Verdi est souvent à l’affiche, il n’en va pas de même du premier des trois opéras consacrés par Donizetti aux Reines Tudor (il y aura encore Maria Stuarda, le plus souvent joué aujourd’hui, et Roberto Devereux). Composé sur un livret du prolifique Felice Romani, l’opéra est pourtant éminemment dramatique et parlant, puisqu’on y voit le puissant Henry VIII (une basse) pousser sa deuxième épouse Anne Boleyn (soprano) à l’adultère avec un de ses anciens amants, Lord Percy (ténor, évidemment), le tout pour pouvoir épouser en troisièmes noces Jane Seymour (mezzo-soprano), dame de compagnie d’Anne torturée entre son amour pour le Roi (ou son attirance pour le pouvoir ?) et sa fidélité à la Reine. On y ajoute Lord Rochefort, le frère incestueux d’Anne (basse lui aussi), Smeton, un page façon Cherubino amoureux de sa maîtresse (contralto).
Stefano Mazzonis y ajoute même, en rôle muet, une enfant en qui on reconnaît la future Reine Elisabeth Ire, fille d’Henry et Anne. C’est que l’Italien signe une reconstitution minutieuse de la Cour d’Angleterre en 1536, avec les splendides costumes du fidèle complice Fernand Ruiz et les décors quasi-zeffirelliens de Gary Mc Cann. Un parti-pris de fidélité historique qui repose assurément de tant de transpositions pertinentes ou non, mais qu’on eût aimé doublé d’une direction d’acteurs plus crédible. Comme souvent chez Mazzonis, les mouvements de chœur sont patauds malgré les tentatives de (faux) naturels et les confrontations entre personnages centraux sont tributaires du talent d’acteur personnel de chaque soliste. Ici, la palme de l’histrionisme revient au Hongrois Mika Karès (Henry), voix superbe mais qui passe la soirée à essayer de ressembler au portrait d’Holbein (d’ailleurs présent sur un chevalet dans le décor de Windsor) et qui fait plutôt rire quand il roule des yeux qu’il veut furieux pendant les aveux de Percy, mais la scène (muette) de Percy et Smeton devant les juges déclenche elle aussi une certaine hilarité.
Dirigée avec beaucoup d’efficacité mais aussi d’élégance par Roberto Rizzi Brignoli, la soirée bénéficie d’une très belle distribution, dominée par l’Anna somptueuse de Shelley Jackson et de Percy d’Edgardo Rocha, chanteur à l’aigu si aisé qu’on a pu revenir pour lui à la partition originale voulue par Donizetti pour le grand ténor Rubini. À Liège, on annonce Olga Peretyatko et Celso Albelo, ce qui promet aussi…
Lausanne, Opéra, jusqu’au 13 février, www.opera-lausanne.ch. À Liège du 9 au 20 avril, www.operaliege.be