Avec Barbara Hendrickx sur les chemins de la liberté: "Mes convictions se sont raffermies avec l'expérience"
Ambassadrice de l’UNHCR, la soprano a toujours associé son art et ses combats.
- Publié le 11-02-2019 à 09h20
- Mis à jour le 11-02-2019 à 09h21
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Ambassadrice de l’UNHCR, la soprano a toujours associé son art et ses combats. Entretien. Le 24 janvier dernier, la soprano Barbara Hendrickx était en visite à Bruxelles, et non pas à la Monnaie ni au Bozar mais à la VUB - où l’attendaient des représentants des programmes d’intégration des différentes universités belges -, au Centre d’hébergement de la Porte d’Ulysse et au HUB humanitaire de la rue du Progrès. Autant de lieux qui, ce jour-là, furent comme illuminés par la présence de l’artiste, infatigable porte-parole, depuis plus de trente ans, de ceux que les conflits ont lancés sur les routes sans retour, et aujourd’hui ambassadrice "à vie" du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés. Nous l’avons rencontrée à cette occasion.
En suivant votre parcours, on a l’impression que, pour vous, le chant a toujours été un moyen d’action, au-delà de la musique
[Rires] Oh non ! Je savais juste que ça faisait plaisir autour de moi ! Mais je n’ai vraiment commencé le chant qu’à vingt ans, je voulais d’abord faire mes preuves comme scientifique (j’étais une nature rebelle, comme mon père…) et ce n’est qu’après avoir obtenu mes diplômes de mathématique et de chimie que je me suis inscrite à la Juilliard School. Et là, j’ai commencé à m’interroger : le chant ne pourrait-il pas proposer quelque chose de plus noble que de simplement faire plaisir ? On était alors en 1968, c’était la lutte pour les droits civiques, pour les droits des noirs, pour les droits des femmes, on ne pouvait qu’être "activiste", il y avait tant de chose à faire pour améliorer la vie des autres. Aujourd’hui, je me dis que les deux choses - art et action - sont mêlées… Mes convictions se sont raffermies avec l’expérience. J’ai pu donner une direction à ma carrière et ne pas me contenter de suivre les commandes des imprésarios.
Un des premiers disques qui vous a rendue célèbre en Europe était consacré à des mélodies de Gershwin, avec les sœurs Labèque au piano.
C’était une suggestion des sœurs Labèque et ce fut la découverte du plaisir du récital, et de la musique de chambre. Quinze ans plus tard, j’ai été invitée au festival de Montreux et j’ai adoré ! Le contact avec les musiciens de jazz était formidable, nous étions tous à l’écoute les uns des autres, j’aurais pu ne plus faire que ça, la graine semée par les sœurs Labèque avait germé et grandi…
Et l’opéra ?
J’adore l’opéra mais à condition de travailler à fond. Dans les maisons de répertoire, où l’on débarque 24 heures avant la première, c’est parfois terrible et ça m’a souvent rendue triste. Mon plus grand bonheur est dans les répétitions et, quand j’arrive sur scène, tout le travail doit être derrière moi, sinon, j’ai l’impression de tricher. J’aime aussi creuser les personnages, c’est pour ça que j’ai adoré tourner des films : toute une journée de travail pour cinq minutes de musique, c’est parfait [rires] !
Comment a débuté votre engagement en faveur des réfugiés ?
J’avais été approchée par le HCR lors de mon installation en Suisse et, en 1987, j’ai fait un premier voyage en Zambie qui m’a profondément marquée. La lutte pour les droits humains est sans fin et, déjà, atteindre un peu plus de justice et d’harmonie me semble un défi. La marche des réfugiés est une métaphore de la vie elle-même : nous sommes tous sur un chemin, avec l’espoir d’une vie meilleure, mais certains y sont poussés de façon extrêmement violente, parfois en une demi-heure, il leur faut alors tout lâcher et fuir…
Pour nous qui les croisons, la seule chose à faire est de nous mettre à leur place. Et, pour cela, renoncer à nos peurs (vivre avec la peur de l’inconnu, quel gaspillage !) mais ne pas être sentimental pour autant, prendre le temps de parler, d’écouter, appliquer les règles, et surtout considérer les réfugiés comme des êtres libres, riches de leur histoire et de leur culture.
Pour votre concert à Bruxelles, vous chanterez des lamentos et des spirituals.
C’est un voyage dans la musique sacrée : la musique baroque, que j’ai beaucoup pratiquée, et la musique de mes origines, celle de mon père - qui était pasteur -, celle qui m’accompagne depuis le début de ma vie et qui me rappelle qui je suis et d’où je viens. À la fois un parcours et un portrait.
---> Bruxelles, Bozar, le jeudi 14 février à 20h. Infos & rés.: 02.507.82.00, www.bozar.be