À l'Opéra de Lille, des voix pures, souples et cultivées pour un bijou de production
- Publié le 08-03-2019 à 14h52
- Mis à jour le 08-03-2019 à 14h54
:focal(803.5x409:813.5x399)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ZSMIBB4INRBTFKVFLCKVRMLVUY.jpg)
En création mondiale à l’Opéra de Lille, un opéra poétique et brillant, signé Gérard Pesson.Depuis quelques années déjà, au fond de l’imaginaire du compositeur, l’idée d’écrire un opéra sur des contes faisait son chemin… L’invitation de Caroline Sonrier, directrice de l’Opéra de Lille, déclencha le passage à l’acte ; et voici que surgissent, in extremis et finement juxtaposés, Trois contes, opéra de Gérard Pesson sur un livret de David Lescot - qui signe aussi une mise en scène pleine d’esprit, inscrite dans les décors d’Alwyne de Dardel et les costumes de Mariane Delayre.
La princesse, le manteau et le diable
Le premier conte est inspiré de La Princesse au petit pois (ou "sur un pois", selon la traduction) de Hans Christian Andersen. Ici, l’histoire de l’hypothétique princesse - recueillie par les parents d’un prince en quête d’une princesse "véritable", et déclarée telle, après la nuit, pour avoir été incommodée par le petit pois placé sous vingt matelas et vingt édredons -, devient la première de six variations désopilantes, conclues par la variation "noire" (plus sombre, forcément, où la "princesse" est une SDF venue de par-delà les collines), dont chacune aura ouvert un monde. Pesson y met sa science prodigieuse au service d’un mélange de lyrisme suave et de fantaisie débridée, où les citations subliminaires fusent - on ne peut s’empêcher de songer à Boesmans - et où toute l’écriture instrumentale se fait poésie et théâtre.
Deuxième conte, Le Manteau de Proust, paru en 2012 chez Quai Voltaire et signé Lorenza Foschini, raconte l’enquête de l’auteure au sujet de la pelisse de l’écrivain, devenue l’obsession d’un collectionneur passionné. Ici, le chant le cède à la voix parlée, à laquelle l’orchestre offre un support très doux, tissé de sonorités feutrées - ce qui n’exclut pas la lumière - et suggestives. Tout autre chose encore pour le troisième conte, inspiré du Diable dans le beffroi d’Edgar Allan Poe, où le narrateur - le comédien belge Jos Houben - ouvre un immense livre pop-up où s’invitent un village, ses villageois bien sages, ses maisons, ses collines protectrices (les revoilà…) et son beffroi, et où le surgissement d’un facétieux danseur - la chorégraphe Sung Im Her - va semer le chaos.
On aura découvert en cours de route quels thèmes (de réflexion) ont inspiré les auteurs, et repéré à l’orchestre les subtils leitmotivs courant à travers le triptyque et construisant son unité.
La partie orchestrale, aussi exigeante dans la construction des ambiances sonores que dans la capacité à lancer les références avec finesse, est confiée aux musiciens de l’Ensemble Ictus (en résidence à l’Opéra de Lille depuis 2004), tous de niveau soliste et placés sous la direction millimétrée, ferme et toujours inspirante de Georges-Elie Octors dont on soulignera aussi l’excellent contact avec le plateau.
Quant aux chanteurs, ils sont six, tous francophones, en charge de tous les rôles. De l’aigu au grave : Mailys de Villoutreys, Melody Louledjan, Camille Merckx, Enguerrand de Hys, Marc Mauillon et Jean-Gabriel Saint-Martin, autant de voix pures, souples et cultivées, constituant une distribution luxueuse et homogène.Martine D. Mergeay
Jusqu’au jeudi 14 mars. Diffusée sur France Musique le 24 avril à 20 h. Disponible en direct live à 20 h sur la plateforme operavision.eu et ensuite disponible jusqu’au 13 septembre. https ://operavision.eu/fr/bibliotheque/spectacles/operas/trois-contes#