The Blaze, l’amour de la poésie et des antihéros
Rencontre avec le duo avant son passage à l’AB, puis Rock Werchter cet été.
- Publié le 10-03-2019 à 10h09
- Mis à jour le 10-03-2019 à 10h10
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Rencontre avec le duo avant son passage à l’AB, puis Rock Werchter cet été. Blouson de cuir et pantalon de training sur le corps, un jeune homme s’allume un joint. Un autre passe de la musique dans l’appartement, avant de s’emparer du micro et de chanter sous les yeux de son ami, son frère, son cousin… Peu importe au final. Seul le sentiment de bien-être et de plénitude qui se dégage de la scène a de l’importance. Tous deux se mettent alors à danser, se prendre dans les bras, rigoler, du haut de leur gigantesque immeuble de cité typiquement bruxellois. Le spectateur pensait assister à une scène "virile" - du nom du morceau qui accompagne le clip - mais il est renvoyé à ses croyances sur les cités, les jeunes, les immigrés à divers degrés, dont on ne montre pour une fois que l’amour et la fraternité.
"Tous les éléments que vous venez de mentionner sont rarement, voire jamais associés dans les médias ou les journaux télévisés", estime Guillaume Alric, moitié du duo de musique électronique français The Blaze. "Mais si on les combine, si on part des clichés pour les déshabiller, on crée un contrepoint, un contraste, dont naît une certaine poésie."
Ces grands types virils qui pleurent
Trois ans après sa mise en ligne, "Virile" a été visionné plus de sept millions de fois sur YouTube et valu à The Blaze une reconnaissance internationale. Guillaume (35 ans) et son cousin Jonathan (29 ans) - tous deux musiciens et cinéastes - en ont sorti trois autres, depuis lors, et confirmé leur talent singulier.
"Territory" suit le retour d’un jeune Français d’origine algérienne au bled, où la montée d’émotion brutale liée aux retrouvailles est visuellement sublimée. "Heaven" s’ouvre sur un bébé noir, une voiture, un champ où une famille vient passer la journée, et "Queens" plonge avec beauté, dignité et sensibilité dans un camp de gens du voyage en plein deuil. "Toutes ces histoires sont universelles, explique Jonathan Alric. Elles parlent simplement d’amour. Il n’y a pas de volonté directe de faire passer un message politique. Chacun se fait sa propre idée de ce qu’il voit, et tant mieux si les gens s’accaparent ces histoires."
"On essaie juste d’être le plus honnête possible, ajoute Guillaume Alric. Pour ‘Queens’, on s’est énormément documentés sur cette communauté de gens du voyage qu’on voulait filmer depuis longtemps. On voulait parler du deuil, mais aussi et peut-être encore plus, de la vie."
La rançon du clip
Visuellement, les quatre films sont aussi réalistes que magistraux. Avec ses 24 millions de vues en ligne, "Territory" a même été jusqu’à attirer l’attention du réalisateur américain Barry Jenkins (Oscar du meilleur film pour Moonlight en 2017) qui en a fait "la plus belle œuvre d’art" de l’année écoulée.
De quoi étouffer l’aspect musical du projet ? "Nous sommes bien conscients que l’image a parfois pris le pas sur la musique", concède Jonathan Alric. "Les gens nous parlent davantage de nos clips et on trouve ça assez normal, ajoute son cousin, parce que l’image est plus directe, accessible et évocatrice que la musique, dont l’émotion est sans doute plus abstraite." L’album Dancehall (sorti chez Columbia le 7 septembre 2018) n’est d’ailleurs pas entièrement "clipé". Parce que chaque film nécessite des mois et des mois de travail, mais aussi "parce que tous les morceaux n’ont pas besoin d’être imagés". "Plusieurs morceaux qui parlent d’eux-mêmes", précise Jonathan Alric. "Certaines histoires peuvent être exclusivement racontées en musique."
L’art et l’évolution des mentalités
En concert, l’approche est pratiquement identique. Moyennement porté sur l’egotrip, le duo se met en retrait pour mieux laisser un gigantesque écran envahir la scène et diffuser d’autres visuels. Quand on leur demande si leur univers, leurs clips, et plus généralement l’expression artistique peuvent faire évoluer les mentalités, ils lèvent les yeux au ciel. "Je ne vais pas aller voir un film et me réveiller le lendemain en me disant ‘waw, j’ai changé d’avis’, nous lance Jonathan Alric. Mais je suis convaincu que les films, la musique, peuvent faire changer une personne sur le long terme." "L’art engendre des émotions et il n’y a rien de tel que des émotions pour se connaître, ajoute Guillaume. Alors oui, je pense que faire ressentir quelque chose aux gens a un impact. C’est pour cela que la culture est essentielle, elle nous permet d’en apprendre autant sur les autres que sur nous-même."

Virile (2016) - Un immeuble typique de banlieue, deux jeunes, un pétard, et une longue envolée musicale dans l’amitié entre deux hommes. Le tout premier clip réalisé par les deux cousins de The Blaze a instantanément imposé leur vision poétique singulière.

Territory (2017) - “Territory” suit le retour d’un jeune Français d’origine algérienne au bled, où la montée d’émotion brutale liée aux retrouvailles est visuellement sublimée. Avec ses 24 millions de vues en ligne, le clip a attiré l’attention du réalisateur américain Barry Jenkins (Oscar du meilleur film pour Moonlight en 2017) qui en a fait “la plus belle œuvre d’art” de l’année écoulée.

Queens (2018) - “Queens” plonge avec beauté, dignité et sensibilité dans un camp de gens du voyage en plein deuil. Pour Guillaume et Jonathan Alric, “il s’agissait de filmer la mort, mais peut-être encore davantage la vie”, le manque, l’amour qui entourent le deuil.
--> The Blaze "Dancehall" (Columbia, septembre 2018) - En concert à l’Ancienne Belgique (complet) ce lundi 11 mars, et à Rock Werchter le samedi 29 juin.