Grand-messe Goldberg au Bozar
- Publié le 26-04-2019 à 06h35
- Mis à jour le 26-04-2019 à 06h36
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Selon la vision fouillée et foisonnante de Pierre-Laurent Aimard. Sans chant ni danse.Composées probablement entre 1740 et 1742 par un Jean-Sébastien Bach au sommet de son art (c’est-à-dire libre de tout inventer), les Variations BWV 988 dites "Goldberg" (du nom du jeune élève auxquelles elles auraient été destinées), sont un peu comme le Winterreise de Schubert : une grand-messe faite d’une succession de courtes pièces intimement associées les unes aux autres et données d’un seul tenant. La dramaturgie est savante, voire cryptée, mais tout le monde peut en percevoir les effets - parfois bouleversants - à la simple écoute. Le "thème" est une Aria, qui a effectivement l’air de chanter (un peu), mais dont la richesse est fondamentalement liée à la structure harmonique, assez complexe pour nourrir les 30 variations qui suivront, elles-mêmes organisées par groupes de trois et prenant fin sur un Quodlibet (sorte de pot-pourri) mêlant ici deux airs populaires bien connus à l’époque (Bach fait parfois des blagues), avant la reprise de l’Aria du début, identique au clavier mais totalement différente à l’oreille, à l’esprit et aux sens. Voilà pour l’œuvre donnée mercredi au Bozar.
Quand à l’interprète, Pierre-Laurent Aimard, 62 ans, il allait de soi qu’après avoir exploré tout le possible du piano - Beethoven, Ligeti et Boulez figurent parmi ses familiers - le pianiste français aborderait un jour les emblématiques variations.
La virtuosité signifiante de Bach
Pour son concert à Bruxelles, il avait choisi un piano Maene à cordes parallèles, façon de créer un cousinage (symbolique) entre le clavecin et le piano. Ce qui ne rendit par l’Aria initiale plus chantante mais instaura d’emblée un environnement sonore clair, énergique et assez joyeux (tout est en sol majeur, à l’exception des variations 15, 21 et 25, en sol mineur). À partir de là, prenant tous les risques, Aimard se fraiera un itinéraire bien à lui où, en rendant compte des complexités inouïes de l’écriture, même les assauts de virtuosité (payés de quelques accrocs), feront figure de propositions artistiques. Peu de répit dans ce processus mené à tombeau ouvert - et, dès lors, privé de la détente propre à la danse -, mais un foisonnement de trouvailles (parfois bizarres mais Aimard doit avoir ses raisons), de l’humour, parfois même de la poésie, et quelques moments de grâce, en particulier dans les passages en mineur (ah, le Canon 21, si beau et si poignant dans son fugitif apaisement !), sans pour autant perdre le cap ni céder à l’émotion ; la sublime variation 25, seul "tube" de la série, restera d’ailleurs hésitante à ce sujet.