Marina Cedro : ‘‘Le tango est la voix de l’âme’’
- Publié le 17-07-2019 à 11h44
- Mis à jour le 01-08-2019 à 15h14
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La chanteuse argentine viendra présenter son second album aux Francofolies de Spa ce jeudi 18 juillet. Très engagée, elle chante et danse le tango depuis son plus jeune âge. Rencontre lors de sa venue à Liège, le week-end dernier.
A la question « Etes-vous une chanteuse engagée ? » Marina Cedro répond du tac au tac par l’affirmative. Mais ses nombreux textes sur la dictature argentine et ses messages d’amours libres ne résument pas entièrement son univers. L’artiste d’une quarantaine d’années chante la vie, ses émotions, ses souvenirs, reprend quelques classiques (Creep de Radiohead, I Put a Spell on You de Screamin’ Jay Hawkins) et fait vivre le tango de son pays avec passion.
Programmée en France et en Espagne, elle est venue présenter son second opus, Buenos Aires 72, lors de deux dates liégeoises, dont un passage au « Café du Parc », et ouvrira la scène Playright des Francofolies de Spa ce jeudi 18 juillet. Rencontre.
Vous donnez quatre concerts en Belgique sur cette tournée, pourquoi ?
J’ai conservé un beau souvenir de mon concert à Charleroi en 2009. Initialement, j’avais même pour objectif de revenir durant un mois entier en Belgique. C’est un pays que j’adore parce que ’y retrouve une belle écoute de la chanson et un respect de la poésie.
Votre musique est passionnée, engagée, quelles sont les causes qui vous animent ?
Il faut avant tout que ce que je chante soit vrai. Je revisite mes paroles et mes écrits via mes émotions. Mes chansons parlent de tout. De l’amour, la colère, la révolte, la passion, le bonheur. Le message qui doit découler de tout cela est la vérité. Quand je chante une chanson d’amour, je la vis entièrement du début à la fin. Peut-être que cela éveille l’amour chez une autre personne. C’est cela que j’appelle l’émotion vraie.
Vous parlez beaucoup de l’Argentine de 1972. À quoi ressemble le pays aujourd’hui ?
Il n’y a plus de militaires. Mais il reste des silences et des blessures dans le pays. La censure et le tabou sont encore d’actualité. La force artistique argentine avait pu sublimer l’ancienne dictature. Ce qu’on a vécu devient aussi notre patrimoine. Notre rôle d’artiste est de continuer à créer.
L’Argentine est un pays à l’histoire riche, aux influences multiples, comment traduire cela en musique ?
Les migrants sont à l’origine de la naissance de Buenos Aires. Ils venaient de tout horizon. Tout le monde souhaitait faire sa vie dans ce pays où il n’y avait rien. Ces instants de trouvailles et retrouvailles demeurent une richesse. Nous sommes un pays très curieux. Dès que les Argentins sortent de leurs terres, ils vont s’intéresser aux autres cultures et reviennent avec leurs savoirs. Ce qui alimente notre amour de la psychologie, aussi. On est toujours en quête de soi vu que notre peuple est le mélange d’autres cultures. C’est ça le tango : être une éponge, une évolution constante. Je fais du jazz, du folklore et du classique, mais avec le tango, j’ai trouvé une façon de m’exprimer. C’est la voix de l’âme.
Vous expliquez également dans plusieurs interviews que le tango vous permet de tout essayer…
C’est une musique qui naît de plusieurs cultures. Le tango s’exprime autant dans la danse que dans les paroles. Toutes les émotions peuvent y être transposées : la mort, la solitude, la joie. C’est une trilogie : il y a le corps, la parole et la musique. J’ai appris les trois disciplines quand j’étais petite. Lorsque je joue du piano, je peux aussi danser avec mes jambes ou mon bras. C’est tout que j’aime dans le tango.
Votre tango est assez moderne. Votre collaboration avec le rappeur Mike Ladd y participe. Pourquoi l’avoir choisi pour ce second album ?
J’aime bien le rap mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est dire les choses. Le rap est une manière de transmettre la vérité et de la manifester en rythme. Avec Buenos Aires 72, je voulais parler de révoltes. Mike Ladd a sa place dans La noche de los lapices. C’est une chanson qui décrit la Nuit des Crayons où des étudiants argentins ont été torturés et tués. Il me fallait une force pour expliquer ce qui s’était passé.
De Buenos Aires à Liège… Chronique d’un concert
Chaque table a son couple. Chaque chaise son spectateur. La moyenne d’âge surpasse les 30 ans. Il y a la dame à la robe flamenco, le monsieur à la chemise hawaïenne. Et tout le monde attend la reine tango du Parc : Marina Cedro. Seule sur scène, elle assure et divise sa prestation en deux parties aux atmosphères totalement différentes.
Au piano, elle envoûte en interprétant des comptines poétiques qui laissent le public sans voix. Seules les serveuses du bar emplissent la pièce de leurs sons en rangeant leurs boissons. Parmi les spectateurs, pas une mouche ne vole. Tout le monde est à l’écoute des musiques et histoires de Marina Cedro qui n’hésite pas à taper sur son piano et à danser autour de son instrument pour doubler le volet musical de ses morceaux.
A la guitare, elle reprend notamment un titre phare de sa jeunesse : Creep de Radiohead, qui s’écoute en espagnol ce soir. Certains en murmurent la mélodie. D’autres, yeux fermés, se laissent bercer par cette ode à l’étrangeté.
Après un tango final, les nombreux applaudissements et sifflements motivent l’Argentine à continuer au piano. Un vrai silence d’église s’impose lors de sa reprise de Dis, quand reviendras-tu ? de Barbara. ‘‘C’est la première fois que le public chante avec moi’’ remercie la chanteuse. Alors que tout le monde s’attend à un ‘‘Buenas noches’’ en guise d’au revoir, la fin du voyage sud-américain se termine par "Buenos Aires".