Marie Laforêt, fille aux yeux d’or pour l’éternité
Chanteuse, actrice et davantage, elle s’est éteinte en Suisse, à 80 ans.
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- Publié le 03-11-2019 à 20h02
- Mis à jour le 15-11-2019 à 14h07
Chanteuse, actrice et davantage, elle s’est éteinte en Suisse, à 80 ans. Connue et aimée pour les chansons immensément populaires qu’elle porte de sa voix mélodieuse et doucement rauque dans les années 60-70 et au-delà, Marie Laforêt se fait remarquer à vingt ans, à l’écran, sous la direction de René Clément. Entre Alain Delon et Maurice Ronet, elle campe Marge Duval dans Plein Soleil.
Née Maïténa Marie Brigitte Doumenach le 5 octobre 1939, dans une famille d’industriels à Soulac-sur-Mer (Gironde), la jeune femme au regard clair acquiert le surnom qui ne la quittera plus en tenant le rôle-titre de La Fille aux yeux d’or, film de Jean-Gabriel Albicocco (qu’elle épousera) - Lion d’Argent à la Mostra de Venise en 1961. Venise où une autre des œuvres importantes de son parcours cinématographique, Tangos, l’exil de Gardel, de Fernando Solanas, obtiendra en 1985 le Prix du jury.
"Ma carrière est de bric et de broc mais ma vie est remplie du début à la fin", assurait celle qui, mariée cinq fois, et mère de trois enfants (l’aînée, Lisa Azuelos, est la réalisatrice des films LOL et Dalida), fut non seulement chanteuse, actrice - dans 35 films ainsi qu’au théâtre - mais aussi autrice, antiquaire et commissaire-priseur. Une existence bien peu rectiligne pour celle qu’on ne saurait cerner par la variété dans laquelle elle s’illustra abondamment, vendant plus de 35 millions d’albums en trente ans de carrière discographique.
Sa beauté altière et sa gouaille font d’elle une bonne cliente pour les plateaux télévisés, et l’acuité de sa présence se décline chez des cinéastes aux univers variés, dont Michel Deville, Édouard Molinaro, Claude Chabrol, Georges Lautner, Denys Granier-Deferre, Henri Verneuil, Jean-Pierre Mocky, Gérard Mordillat, Enki Bilal, jusqu’à Claire Simon (seule réalisatrice femme de sa filmographie), en passant par quelques films en Italie et un en Argentine.
Blessure intime, métier exutoire
"J’aime bien les gens qui ont une angoisse", indiquait volontiers Marie Laforêt. La sienne, malgré son talent indéniable pour la comédie, ne semble jamais loin.
"Je viens du grand pays de mon enfance… Parfois d’étranges souvenirs m’assaillent. Je me revois dans un bois poursuivie par le chien de paille…", chante-t-elle dans " Emporte-moi", en 1973.
Un quart de siècle plus tard, elle révélera publiquement avoir été violée, à l’âge de trois ans, par un voisin. Ces souvenirs ayant resurgi à la quarantaine, l’artiste témoigne avoir vécu le syndrome dit de l’amnésie traumatique : "C’est un fait que j’ai reçu en pleine figure. Il ne s’agit pas de confusion mentale. Au contraire, vous êtes d’une extrême précision", explique-t-elle alors, plaidant pour l’allongement des délais de prescription.
"Sans ce viol, soulignera-t-elle, je n’aurais pas fait un métier public qui allait à l’encontre de ma timidité naturelle. J’ai choisi un métier exutoire."
Inspirations d’ailleurs
Puisant son inspiration dans les folklores américain et européens, elle deviendra à la fin des années 60 une pionnière en France de ce qu’on n’appelait pas encore la world music. Elle adapte des musiques et chansons populaires, dont des tubes des Rolling Stones ou de Simon&Garfunkel (jusqu’à "Blanche nuit de satin" en 1982, reprise de "Nights in White Satin" des Moody Blues), et a des envies de folklore yougoslave ou de mélodies brésiliennes. Tout en devant composer avec les diktats des maisons de disques… Elle sortira néanmoins plusieurs disques en espagnol, en italien, en portugais.
Se tenant à l’écart du showbusiness, elle remplit cependant l’Olympia en 1969 et, animée toujours de cet esprit ouvert à diverses influences musicales, se produira ensuite à Bobino et au Théâtre de la Ville.
Entre 1969 (La Hobereaute d’Audiberti, mise en scène de Georges Vitaly) et 2009 (L’Hirondelle inattendue de Simon Laks), Marie Laforêt joue dans une dizaine de productions théâtrales - dans des textes de Claudel, Yourcenar, Duras ou… Laurent Ruquier - dont le sommet demeure son rôle de la Callas dans Masterclass de Terrence McNally.
L’écriture fait aussi partie de sa vie, avec non seulement des chansons mais plusieurs ouvrages, dont le remarqué Contes et légendes de ma vie privée (1981) et Panier de crabes : les vrais maîtres du monde (2002), où elle dénonce les dérives de la finance.
De longue date établie en Suisse, Marie Laforêt en avait pris la nationalité. Elle s’est éteinte à Genolier, le samedi 2 novembre, à 80 ans.
(Avec AFP)
Marie Laforêt en 5 titres
Les Vendanges de l’amour Son premier tube, écrit par Danyel Gérard, sort en 1963.
Mon amour, mon ami marque, avec Ivan, Boris et moi, la bande-son de l’année 1967. Ces énormes succès inscriront durablement Marie Laforêt au panthéon de la variété.
Il a neigé sur Yesterday Dans cette ballade mélancolique de 1977, la chanteuse rend hommage aux Beatles - séparés sept ans plus tôt. C’est aussi à cette époque que l’artiste élit domicile en Suisse. On retrouve là son goût pour l’hommage et la reprise : de "Marie Douceur/Marie Colère", adaptation de "Paint it Black" des Stones, à "Manchester et Liverpool" ou "La Voix du silence", version française de "Sound of Silence".
Flic ou voyou Elle partage pour la première fois l’affiche avec Belmondo dans ce film de Georges Lautner (1979). Ils se retrouveront cinq ans plus tard notamment dans Joyeuses Pâques, du même, ou encore dans Les Morfalous d’Henri Verneuil.
Masterclass Son rôle de Maria Callas dans la pièce de Terrence McNally, mise en scène par Didier Long, vaudra à la comédienne un Molière en 2000, et un second en 2009, pour la reprise du spectacle.