L'Alba, le refuge pour artistes de Melanie De Biasio

L'Alba, le refuge pour artistes de Melanie De Biasio
©Jérome witz

C’est une vieille dame, une charpente vide et sale où règne le silence, mais dont les murs et tapisseries portent l’âme et l’histoire d’une ville. Pour Melanie De Biasio, c’est aussi et surtout un refuge. Le lieu idéal pour s’extraire du circuit, quitter le monde extérieur le temps qu’il faudra, pour retrouver calme et sérénité chez elle, à Charleroi.

Depuis la sortie triomphale de l’album Lilies en 2017, la chanteuse de jazz n’a cessé de tourner, tirant sur ses cordes jusqu’à épuisement, et vivant de son propre aveu, les deux années “les plus belles et les plus difficiles” de sa carrière. “Je n’ai jamais autant travaillé de toute ma vie” glisse-t-elle délicatement lors de notre rencontre à Flagey, où elle donnera ses uniques concerts de 2020 les 8 et 9 janvier prochains, pour financer ce refuge : une résidence d’artistes multiculturelle, partagée et internationale logée au cœur de sa ville natale, baptisée “Alba” : l’aube.

Je sentais que ma charpente à moi n’allait plus tenir très longtemps, alors je me suis imposé une deadline” poursuit la musicienne. “Après ces deux dates, je disparais”. L’Alba est sa caverne, son exutoire, mais ce projet personnel est encore loin d’être opérationnel. Seule et solitaire, consciente qu’elle ressentira un jour le besoin d’ancrer dans la terre la famille itinérante qu’elle croise au gré des concerts, Melanie De Biasio investit en 2017. Quelques semaines avant la sortie de “Lilies”, elle rachète le bâtiment laissé vacant par le consulat d’Italie de Charleroi, et s’y installe entre les tournées.

Mais tout ou presque est à refaire. “Cela fait deux ans que je dors sur place dans un bâtiment vide” précise la chanteuse. “Deux ans que je prends le temps d’écouter les murs, l’acoustique, la circulation de l’air dans les pièces… Le fait d’avoir vécu avec très peu, comme mes grands-parents à Charleroi dans l’ancien temps, de disposer en tout et pour tout d’un bassin, un lit et une lampe de chevet dans un espace de 1325 m2, était essentiel. Parce que j’ai un projet, je ne serai pas seule dans cet endroit, mais lorsqu’on décide d’investir un vieux bâtiment comme celui-ci, c’est le concept qui doit épouser les lieux et non l’inverse.

L'Alba, le refuge pour artistes de Melanie De Biasio
©L'Alba

Nous allons proposer une coquille vide” s’enthousiasme Melanie De Biasio, dont les yeux brillent soudainement d’une lueur inhabituelle. “Un espace d’accueil où les artistes de passage pourront venir créer sans pression, durée, ni dossier dûment complété. Un autre espace-temps dans lequel chacun aura la liberté de suivre son propre tempo”.

Seule exigence : que chaque artiste laisse une trace de sa création. “J’ai envie d’une prof de tango, de lectures, de choses spontanées au service d’un projet collectif. Un artiste qui me touche réveille en moi quelque chose de vivant, une flamme. Si on ne prend pas soin de cette flamme entre artistes, on ne peut pas la transmettre au reste de la communauté. Nous vivons tous des moments clé et sensibles, dans notre carrière, lors desquels on se demande 'suis-je encore en phase avec moi-même, avec ce que je propose ?' L’Alba est le lieu où je pourrai m’autoriser cette remise en question.”

Une fois rénové, le bâtiment devrait abriter divers studios et ateliers, un café ouvert au public, un lieu de concerts, expositions ou conférences-débats. Mais aussi des bureaux mis en location pour les partenaires privés éventuellement intéressés par le projet, un studio d’enregistrement, les logements des artistes en résidence, et les appartements personnels de Melanie De Biasio, qui résidera donc sur place.

Quand tout cela aboutira du moins, car “L’Alba” manque encore de fonds. “J’ai 750.000 euros sur ma petite tête, et avec ça je n’ai financé que l’achat du bâtiment et les rénovations techniques” intervient la chanteuse. “On vient à peine de finir les gros œuvres. Il nous manque tout le reste : du matériel, de la main-d’œuvre technique,… Je voudrais en profiter pour lancer un appel aux sexagénaires. Je pense qu’une partie du projet doit reposer sur le volontariat. On a tellement de gens doués, sensibles et expérimentés dans la soixantaine, qui sortent d’un travail et qui ont peut-être envie de se remettre dans un projet. Nous pourrions travailler ensemble.”

Les fonds des deux concerts donnés à Flagey seront intégralement reversés au projet, mais ne suffiront évidemment pas. “Je n’ai pas d’enfant, pas de mari, je donne tout ce que j’ai à ce projet” lance Melanie De Biasio en guise de conclusion. “Je pose un acte, je pose un risque, et j’ai besoin d’autres rêveurs.

Melanie De Biasio, en concert à Flagey les 8 et 9 janvier 2020. infos : www.flagey.be 

Infos sur le projet : http://www.alba-charleroi.org/

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...