Musique en Wallonie: un label, une région et ses trésors méconnus
Vocal à l’honneur pour les nouvelles sorties de Musique en Wallonie.
Publié le 21-11-2019 à 08h20 - Mis à jour le 21-11-2019 à 08h21
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Vocal à l’honneur pour les nouvelles sorties de Musique en Wallonie. Peut-on fonder - et nourrir - un label discographique sur base régionale et linguistique ? À suivre les productions de Musique en Wallonie, il semblerait bien que oui. Fondé en 1971 par un musicologue - l’éminent Carl de Nys - et un notaire - Albert Jeghers - et associé dès l’origine à l’Université de Liège, au Festival de Wallonie et à la Communauté culturelle française (première mouture de la dénommée - un peu abusivement - Fédération Wallonie-Bruxelles), le label compte aujourd’hui plus de deux cents enregistrements à son actif. Parmi lesquels, quelques trésors prévisibles : les géants de la polyphonie, de Josquin Desprez à Roland de Lassus, Joseph Fiocco ou, évidemment, César Franck (toujours dans le cœur des Liégeois) ; mais aussi des découvertes absolues : des enregistrements inédits de la mezzo Lucienne Delvaux ou de la soprano Huberte Vecray, ou encore les musiques (de Bill Buddie ou de Jean Pâques !) dont Magritte a illustré les partitions, jouées par le Tivoli Band, etc. Tout cela publié avec grand soin, et doté d’illustrations et de livrets captivants.
Aimez-vous Samuel-Holeman ?
Cet automne, le label aujourd’hui présidé par Jean-Pierre Smyers propose trois nouvelles productions, dédiées (par ordre décroissant de célébrité…) à César Franck, Joseph Jongen et Eugène Samuel-Holeman (1863-1942), ce dernier étant pratiquement inconnu. Il s’agit pourtant d’un compositeur - et écrivain - apprécié dans les milieux artistiques belges du tournant du siècle (son père, Adolphe Samuel fut le fondateur des Concerts populaires, future Société philharmonique de Bruxelles), contemporain de Debussy, proche de Maurice Maeterlinck et d’Émile Verhaeren, adepte d’une approche innovante du chant, suivant le débit naturel de la parole, qualifiée de "prose lyrique". Le meilleur exemple en est cette Jeune Fille à la fenêtre, monodrame assez mystérieux composé sur un texte de Camille Lemonnier confié ici à Pauline Claes et à l’Ensemble Sturm und Drang, dirigé par Thomas Van Haeperen. On y découvre une écriture savante mais totalement libre, liée aux couleurs instrumentales et à leur pouvoir d’évocation, en phase avec la dimension poético-mystique (un monde…) du texte, ce dernier mis en valeur par l’excellente prononciation de la jeune mezzo belge, son timbre chaleureux et sa capacité à animer un discours. Le CD comprend également des croquis pour piano (joués par Mathias Lecomte) et trois mélodies pour voix et piano, dont Et s’il revenait un jour, sur un poème de Maeterlinck, perle de cet enregistrement-découverte.
De Bernstein à Jongen
Autre sortie remarquable, l’intégrale des Mélodies de Joseph Jongen (1973-1953) est le fruit d’un travail approfondi de notre compatriote Sarah Defrise - jeune soprano révélée cet été au Festival de Wallonie, dans Candide de Bernstein où elle chantait le rôle de Cunégonde ! - et du pianiste Craig White (jouant sur un Bechstein 1920). Troisième héros (franco-) wallon de ces sorties, César Franck (1822-1890), dont le poème-symphonie Rédemption (1877) est défendu par des interprètes de tout premier plan : l’Orchestre philharmonique royal de Liège, le Vlaams Radiokoor et la mezzo suisse Eve-Maud Hubaux placés sous la direction flamboyante de Hervé Niquet, spécialiste du répertoire vocal "français" de l’époque.
Infos : www.musiqueenwallonie.be.