Les artistes, nouveaux porte-voix de la question climatique ?
Ils ne sont pas seuls parmi les artistes à vouloir réduire leur empreinte carbone.
Publié le 22-11-2019 à 18h48 - Mis à jour le 22-11-2019 à 19h00
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Coldplay n'est pas le seul groupe à vouloir réduire son empreinte carbone. À quelques heures de la sortie de son nouvel album, Everyday Life, Coldplay a fait une annonce détonnante : le groupe britannique renonce à tourner pour des raisons écologiques. "Nous prenons le temps, au cours des deux prochaines années, de déterminer comment notre tournée peut être durable et bénéfique. Nous devons trouver le meilleur moyen de faire notre travail", a confié Chris Martin à la BBC. Il l’assure, leur prochaine tournée devra avoir un impact climatique positif. "Nous serions déçus si ce n’était pas neutre en carbone. Notre rêve est d’avoir un spectacle sans plastique à usage unique, de le faire en grande partie à énergie solaire." La déclaration des interprètes de "The Scientist" a été saluée par le WWF : "C’est fantastique de voir des artistes de renommée mondiale s’engager pour la protection de la planète."
D’autres artistes comme Billie Eilish ont également décidé de s’investir dans la lutte contre le réchauffement climatique. La jeune chanteuse suivie par plus de 40 millions de personnes sur Instagram utilise sa popularité pour sensibiliser son public sur l’état de la planète.
Billie Eilish & Co
En plus d’aborder régulièrement le sujet lors de ses interventions, elle a annoncé que sa tournée 2020 serait plus respectueuse de la nature. "Il n’y aura pas de pailles en plastique, les fans vont apporter leurs propres bouteilles d’eau", a-t-elle indiqué lors de l’émission de Jimmy Fallon en septembre dernier.
L’Américaine de 17 ans a ajouté qu’elle travaillait avec l’organisation Reverb qui tente de réduire l’empreinte carbone des concerts et des tournées notamment par l’élimination du plastique à usage unique, le don des déchets alimentaires ou encore en utilisant du biodiesel pour les autocars. Celle qui sera de passage à Rock Werchter l’été prochain prévoit également d’installer une tente dans les festivals où le public pourra obtenir des informations sur les actions à mener concernant l’urgence climatique.
Bien que l’industrie musicale ne soit pas aussi polluante que d’autres, comme celle textile, pharmaceutique ou encore pétrolière, elle n’est pas sans conséquence pour la planète. La dernière tournée de Coldplay pour l’opus A Head Full Of Dreams de 2017 est passée par une trentaine de pays pour ses 122 représentations et a rassemblé plus de 5 millions de spectateurs. Selon les dernières études, menées par l’association Julie’s Bicycle, les tournées seraient responsables d’environ 540 000 tonnes de CO2 par an rien qu’au Royaume-Uni. Le transport et les vols d’avion fréquents sont les éléments qui plombent le bilan carbone de tous les artistes.
Pas de solution simple
"La tournée est un enjeu majeur. Si les artistes commencent à limiter leurs tournées, il est probable que le public se déplace alors vers eux", nous fait remarquer un responsable de Music Declares Emergency, une initiative britannique qui rassemble des artistes, des professionnels de l’industrie musicale et différentes organisations dans le but d’alerter sur l’urgence climatique. Si chaque individu se déplace, l’impact climatique sera forcément plus grand. "Il n’y a pas de solution simple et unique à un problème. Un meilleur acheminement des tournées, une plus grande attention à l’utilisation de l’énergie dans la production, une restauration locale et végétarienne sont autant de solutions réalisables qui peuvent être mises en œuvre par les artistes maintenant."
Si les artistes ont un grand rôle à jouer dans ce combat, leur plus grande mission reste celle d’opérer comme des porte-voix. Ils font figure de modèles pour beaucoup de personnes, ils peuvent donc donner l’exemple. "Ils peuvent encourager la discussion et le débat. Pour atteindre les changements nécessaires, par exemple parvenir à un objectif de zéro émission, le soutien du gouvernement et de la communauté internationale est essentiel pour devenir une réalité."
Un geste significatif
Si des changements personnels peuvent faire la différence, des changements structurels sont nécessaires. La sensibilisation du public et les pressions exercées sur les institutions politiques sont la clé pour y parvenir. Le fait qu’un groupe aussi colossal que Coldplay soit prêt à s’investir (et à se priver du beau pactole que leur rapportent leurs tournées : la dernière a amassé près de 460 millions d’euros) et à dégager des pistes est un geste significatif et encourageant vers une réduction de l’impact environnemental.
Le rôle des amateurs de musique
Ces petits gestes peuvent aider la planète.
Bien sûr, il est important que les artistes se mobilisent en faveur de la planète. Mais cela ne sert à rien si le public, lui aussi, ne modifie pas son comportement. L’exemple le plus simple : mieux vaut ne pas prendre la voiture pour se rendre à un concert.
"Il faut continuer à mettre en avant d’autres solutions comme les transports en commun, le covoiturage. Il faut arrêter avec les véhicules isolés. Cela va permettre de diminuer de manière conséquente les émissions", expose Jonas Moerman d’Eco Conso, une ASBL belge qui encourage des choix de consommation et des comportements respectueux de l’environnement et de la santé. Il propose également une autre astuce pour les amateurs de musique : "Si on écoute un album très souvent en ligne, mieux de l’acheter car ça va moins produire de carbone de le fabriquer et de le distribuer que de l’écouter sur un site de streaming." En effet, écouter de la musique via des plateformes comme Spotify ou Deezer engendre énormément d’émissions. Selon le site Pitchfork, 157 millions de kg de gaz à effet de serre ont été émis aux États-Unis en 2000, à l’époque des CD. Ce chiffre a plus que doublé en 2016 avec le streaming ! Stocker de la musique en ligne consomme énormément d’énergie.
Le responsable de Music Declares Emergency pointe aussi du doigt le merchandising : "Il faut se renseigner avant d’acheter : est-ce que le coton provient d’une source durable, est-ce que les affiches et les livres de tournée utilisent du papier recyclé ?" D’autres petits changements peuvent être aisément réalisables, comme refuser les pailles et les gobelets en plastique dans les festivals et les salles de concert. "Mais ce que les fans de musique peuvent surtout faire, c’est faire entendre leur voix sur le sujet et encourager les salles, les artistes et les labels à agir de manière éthique, à changer et à faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils s’engagent dans une décarbonisation réelle et durable", insiste l’initiative britannique.