Jane Birkin : "Je ne m’estimais pas très intéressante"
J’ai passé ma vie à faire des choses uniquement pour qu’on m’aime", écrit Jane Birkin dans le deuxième tome de son journal intime, qui vient de sortir aux Éditions Fayard. Voix inoubliable de "Je t’aime, moi non plus", interprète troublante dans La Piscine, représentante majeure du Swinging London, la plus parisienne des Anglaises est parvenue à marquer sa génération et les suivantes. Avec un tel curriculum vitae, on se laisserait à penser qu’un personnage pareil manifesterait un aplomb certain. Il n’en est rien. Malgré la notoriété, les centaines de couvertures de magazine et les regards envieux, Jane Birkin a conservé une profonde humilité. Ses écrits laissent même transparaître un manque de confiance en soi aussi flagrant qu’étonnant. Post-Scriptum démarre après sa rupture avec Serge Gainsbourg et se termine le jour du suicide de sa fille aînée, Kate, en 2013. Jane Birkin y livre, tout en retenue, ses pensées de l’époque, dévoile sa vie de famille plutôt que le volet professionnel, partage son ressenti suite aux drames qui ont émaillé sa vie. Rencontre au coin du feu, accompagnée d’une tasse d’English Breakfast, avec cette égérie intemporelle. Pourquoi avoir décidé de rendre public votre journal intime ?
- Publié le 05-01-2020 à 09h23
- Mis à jour le 05-01-2020 à 09h30
J’ai passé ma vie à faire des choses uniquement pour qu’on m’aime", écrit Jane Birkin dans le deuxième tome de son journal intime, qui vient de sortir aux Éditions Fayard. Voix inoubliable de "Je t’aime, moi non plus", interprète troublante dans La Piscine, représentante majeure du Swinging London, la plus parisienne des Anglaises est parvenue à marquer sa génération et les suivantes. Avec un tel curriculum vitae, on se laisserait à penser qu’un personnage pareil manifesterait un aplomb certain. Il n’en est rien. Malgré la notoriété, les centaines de couvertures de magazine et les regards envieux, Jane Birkin a conservé une profonde humilité. Ses écrits laissent même transparaître un manque de confiance en soi aussi flagrant qu’étonnant.
Post-Scriptum démarre après sa rupture avec Serge Gainsbourg et se termine le jour du suicide de sa fille aînée, Kate, en 2013. Jane Birkin y livre, tout en retenue, ses pensées de l’époque, dévoile sa vie de famille plutôt que le volet professionnel, partage son ressenti suite aux drames qui ont émaillé sa vie. Rencontre au coin du feu, accompagnée d’une tasse d’English Breakfast, avec cette égérie intemporelle.
Pourquoi avoir décidé de rendre public votre journal intime ?
Quand ma fille est morte, je suis restée sans trop savoir ce que je pouvais encore offrir. J’avais donné mes films Super 8 (NdlR : des séquences de vie rassemblées dans le film Mes images privées de Serge, sorti en 2011), donné tellement d’interviews, raconté plein d’anecdotes personnelles et drôles, depuis si longtemps. Mon frère et mon amie Gabrielle Crawford avaient lu mes journaux qu’ils avaient retrouvés dans une malle, de simples carnets d’école de rien du tout. Lorsque j’étais à l’hôpital, elle les a retranscrits à l’ordinateur. Moi, je trouvais ça drôle et quelque part inattendu, mais je ne savais pas si ça avait un grand intérêt, je trouvais que c’était un peu simpliste. Je me suis rétractée pendant six mois, j’ai eu peur, parce que je ne m’estimais pas très intéressante, j’avais peur que les gens soient déçus que ce soit si ordinaire.
Qu’est-ce qui vous a finalement décidé à les publier ?
Ma vie personnelle est si compliquée, que je me suis dit : "bon, peut-être que c’est aussi bien si ça sort finalement". Il y a d’abord eu le premier tome, qui s’arrête juste avant la naissance de Lou. Et il n’était pas question de s’arrêter là, sans parler de Lou, car la vie sans elle n’est pas envisageable. J’ai enlevé beaucoup de parties concernant les tournées, les pièces de théâtre, il n’y avait pas la place. J’ai essayé de garder ce qui me semblait être le plus intéressant.
Qu’est-ce que cela vous a fait de vous replonger dans tous ces souvenirs ?
Il y a eu des pointes de chagrin, lorsque je suis revenue sur la naissance de Kate par exemple, puis toutes les choses joyeuses à son propos. Tout ça est teinté de mélancolie, de tristesse de ne plus pouvoir partager ensemble. Je suis quand même contente que ces choses aient pu exister. Avec le deuxième tome, je me suis rendu compte de la chance de l’avoir eue à mes côtés alors qu’elle avait 46 ans, qu’elle ne soit pas allée vivre dans un autre pays ou qu’elle ait été éloignée de moi. Elle était si incroyablement attendrissante et méticuleuse quand j’étais malade. Elle était toujours là avec ses matelas en mousse et ses oreillers. Elle était drôle.
Vous vous remettez souvent en question, doutez de vous, jalousez les autres, parfois. On comprend que vous étiez très peu sûre de vous, alors que l’image que vous renvoyiez à l’époque était tout le contraire.
Oui, probablement. Je trouve ça un peu bassinant d’être aussi peu sûr de soi. Je comprends bien que c’était compliqué pour les personnes qui vivaient avec moi d’être avec quelqu’un comme ça.
Aujourd’hui, vous avez confiance en vous ?
Pas vraiment. Si, à la base, on n’a pas confiance en soi, il est difficile de changer cela un jour. J’ai vécu beaucoup à travers les gens ou dans le regard des autres. Peut-être que les filles d’aujourd’hui sont moins éblouies par les autres, par les hommes. Mais ils étaient éblouissants. J’étais à côté de personnes dont je ne comprenais pas du tout comment ils écrivaient, comment ils composaient. Moi, j’étais plutôt immature. À 17 ans, c’était une vraie bêtise de se marier avec quelqu’un qui avait 15 ans de plus, plein de confiance en lui, qui avait déjà deux ou trois oscars. C’était une évidence que ça n’allait pas marcher, mais je ne voulais croire personne. Je croyais que j’avais raison.