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Les récits venus de New York et La Nouvelle-Orléans ont longtemps perpétué l’image du jazzman libre, pauvre et solitaire. L’humble musicien sacrifié à son art, errant de club en club en quête de lumière avec, pour seul et unique objet personnel, une trompette. La vie d’artiste n’est pas tendre, les places rares, et la Belgique ne fait évidemment pas exception à la règle.
Il y a environ quarante ans, une dizaine de musiciens locaux ont donc décidé de faire front commun en créant leur propre association dans une villa répondant au doux prénom d’Hortense, où nos amis avaient pour habitude de se réunir chaque lundi. Voilà pour l’histoire et la mission des Lundis d’Hortense, pratiquement restée inchangée depuis lors. "J ouer en Belgique et vivre de son jazz est encore quasiment impossible ", estime le pianiste Joachim Caffonnette, qui a pris la présidence de l’association il y a deux ans. " Le pays est trop petit, divisé en deux. Traverser la frontière reste difficile dans les deux sens et il n’y a pas assez de lieux ." Écoutes à l’aveugle
Bruxelles reste à bien des égards un "petit îlot de bonheur" où se croisent artistes, genres et langues. Mais l’offre y est pléthorique, et le grand public a souvent tendance à se ruer sur les noms des rutilantes scènes américaine, française ou londonienne. Pour mettre en avant les jazzmen et women belges de qualité, "Hortense" et ses 18 administrateurs ont donc créé leur propre programmation. " Chaque année, nous recevons entre 100 et 150 candidatures de musiciens professionnels ", nous explique Dana Petre, qui gère la communication de l’association. " Nos membres écoutent chacune d’entre elles à l’aveugle et élaborent une programmation 100 % belge."
La formule a fait ses preuves, mais sa mise en pratique manifestait quelques signes de fatigue et touchait essentiellement un public de connaisseurs. Pour élargir la gamme, et toucher un public plus diversifié, elle a donc été revue et corrigée cette année. Exit la Jazz Station comme hub principal dans la capitale. Les Lundis d’Hortense se nomadisent et investissent douze lieux bruxellois divers et variés : la Jazz Station bien sûr, mais aussi Bozar, Flagey, l’espace Senghor, des clubs comme le Music Village ou le Walter, des théâtres dont le Marni et le Varia, mais aussi des bars comme le The Sister Brussels Café, où sont organisées deux fois par mois des jam sessions gratuites. Tournées en Wallonie
Les habitués connaissent déjà les noms d’Olivier Colette, Martin Salemi, Igor Gehenot, Toine Thys, Félix Zurstrassen et bien entendu Stéphane Galland. Les autres moins, " nous avons donc créé, pour la première fois, des thématiques mensuelles afin de guider le public ", précise Joachim Caffonnette. " Le mois de janvier est consacré au jazz de chambre, avec des formules intimistes à faible volume. Février met à l’honneur les mélodies, des formations dont les compositions sont très lyriques, aux mélodies accrocheuses ." Mars suit avec un focus sur les trios, avril sur le free jazz et l’impro, et mai écartera purement et simplement les formations avec contrebasse.
Comme le vaste monde ne se limite pas à Bruxelles, neuf projets dont ceux de Jérémy Dumont, Sinister Sister et Fabien Degryse seront également envoyés en tournée, tout au long de l’année, dans une vingtaine de salles wallonnes. " J’ai constaté sur base de ma propre expérience que les gens viennent davantage pour la réputation d’un club que pour un artiste en particulier ", poursuit le pianiste. " L’idée est de profiter de ces lieux tout en amenant le jazz ailleurs pour rajeunir l’audience, créer un label de qualité. On ne peut plus dire qu’on n’aime pas le jazz, aujourd’hui, il y en a pour tous les goûts. On le sélectionne pour vous, et on vous l’apporte ."
"Ce n’est pas gratuit ?"
Compte tenu du nombre de projets belges de qualité proposés ces dernières années, la concurrence s’est renforcée, alors que la musique est plus que jamais conçue comme un bien gratuit. " Je joue depuis longtemps au Sounds Jazz Club à Ixelles, et je vois souvent arriver des groupes qui rebroussent chemin quand ils voient qu’il y a une entrée" , ajoute Joachim Caffonnette " C’est un peu l’effet Spotify, il y a encore quelques années, ils seraient restés. Hormis les jam sessions, gratuites, nos tarifs tournent autour de dix euros. C’est tout à fait démocratique, mais il est important que les concerts restent payants, car cela engendre une écoute tout à fait différente. Et puis c’est une question de respect pour les musiciens. En Flandre, où la tendance est plutôt à la gratuité, on ne touche pratiquement rien. Dans les clubs payants comme à Londres, et surtout Paris, les musiciens sont uniquement rémunérés sur base des recettes, il n’y a pratiquement plus de cachets. Nous voulons payer les artistes le plus correctement possible."
Infos et billets : https://www.leslundisdhortense.be/