Les natures mortes jubilatoires de "Saül"
Danses, couleurs et tableaux vivants : un oratorio de Haendel plus vivant que jamais.
- Publié le 23-01-2020 à 15h02
- Mis à jour le 23-01-2020 à 15h03
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Opéra Danses, couleurs et tableaux vivants : un oratorio de Haendel plus vivant que jamais.
Inépuisable Haendel ! Alors qu’Amsterdam affiche la superbe Rodelinda de Claus Guth, le Théâtre du Châtelet, après plusieurs mois de travaux, renoue avec le lyrique en proposant Saül, un oratorio mis en scène par un Barrie Kosky, un autre grand nom de la mise en scène internationale. Monté initialement au festival de Glyndebourne en 2015, le spectacle confirme qu’il y a moyen de trouver autant de théâtralité dans les oratorios de Haendel que dans ses opéras, surtout quand le metteur en scène - et c’est le cas de l’Australien - s’y entend pour faire bouger les chœurs.
Une histoire de jalousie
L’histoire est celle de la jalousie et de la haine que nourrit Saül, roi d’Israël, à l’endroit du jeune David qui a pourtant sauvé son peuple du dangereux Goliath. Et de la division dans la famille du roi : sa fille Mérab rejette le jeune héros qu’elle considère indigne de son rang, tandis que sa sœur Michal et son frère Jonathan lui donnent amour et amitié.
Dès le lever de rideau, on est ébloui par la beauté du tableau et des lumières : un sol de terre noire où David, ensanglanté et la fronde à la main, considère la tête immense de Goliath, tandis que les chœurs, en habits chamarrés, trônent au milieu de somptueuses natures mortes sur deux immenses tables de banquet tendues de nappes blanches. Figés, mais changeant de pauses au gré des silences. Dansant, courant, hurlant, donnant tout leur corps - et chantant bien sûr - les choristes seront les premiers héros de la soirée, et le génie de Kosky est de tirer d’eux tout ce potentiel, comme il le fait de ses solistes. À commencer par Christopher Purves, Saül hallucinant de présence… même s’il ne chante pas : souffrant d’un refroidissement, le baryton anglais se contente - et c’est déjà immense - de jouer son rôle tandis qu’un collègue (Igor Mostovoi) chante depuis la fosse.
Et une splendeur
Même si la mise en scène paraît moins inspirée en deuxième partie, le spectacle est une splendeur, servie par une distribution impeccable : Karina Gauvin, Anna Devin et David Shaw en enfants du Roi, le contre-ténor Christopher Ainslie en David et les ténors Stuart Jackson et John Graham-Hall en comprimari de luxe.
S’y ajoute la direction experte et habitée (avec quelques ajouts çà et là dans la partition) de Laurence Cummings, haendélien de renom qui, pour l’occasion, s’empare avec joie des Talents Lyriques de Christophe Rousset. Le spectacle existe en DVD (Opus Arte), mais le voir en vrai est bien plus extraordinaire encore.
>>> Paris, Théâtre du Châtelet, jusqu’au 31 janvier : www.chatelet.com