Stella Chen sur le mode intimiste
Concert en demi-teintes, ouvert dans la nervosité, conclu dans l’envol. Il n’est jamais facile pour une première lauréate (fût-ce un premier lauréat) du Concours Reine Elisabeth de se retrouver, lors d’un simple récital, face à ce même public rencontré naguère dans la fièvre et le faste de la compétition.
- Publié le 25-01-2020 à 08h56
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Concert en demi-teintes, ouvert dans la nervosité, conclu dans l’envol.
Il n’est jamais facile pour une première lauréate (fût-ce un premier lauréat) du Concours Reine Elisabeth de se retrouver, lors d’un simple récital, face à ce même public rencontré naguère dans la fièvre et le faste de la compétition. En mai 2019, la jeune Américaine Stella Chen avait ravi une partie du public par son naturel, son raffinement de chambriste et, bien sûr, son incroyable maîtrise technique. Mais tous n’y avaient pas été pareillement sensibles et la décision du jury fut loin de rencontrer l’unanimité. En suivant le récital qu’elle donna au Bozar jeudi, en compagnie du pianiste Boris Kuznezow (qui fut son partenaire durant le Concours), nous nous sommes refait le film…
"Pour lutter contre le stress, confiait la violoniste au lendemain de la proclamation, je n’ai qu’une règle : ‘be yourself’ . Je suis une timide, une introvertie, mon seul moyen d’expression est la musique, je veux y donner le meilleur." Jeudi, ce point d’excellence ne sera rejoint qu’après une Suite Italienne de Stravinski assez crispée dans son ouverture mais déjà révélatrice des qualités évoquées plus haut, notamment dans le chant de la Sérénade et dans l’étourdissante Tarentelle. On notera au passage l’imagination débordante de Kuznezow aussi volubile que Chen peut parfois sembler réservée. Mais dans la 10e Sonate de Beethoven, le duo trouva ses marques, en particulier dans le mouvement final, évoluant librement dans la complexité du contrepoint tout en y aménageant des échappées poétiques et lumineuses, et en faisant tout chanter, ce qui est la signature de Chen.
Ballade romantique
En seconde partie, les artistes avaient choisi de loger le délectable Poème de Chausson entre deux mouvements de la fameuse Sonate F.A.E., respectivement signés Brahms et Schumann, façon d’aborder d’un coup, et de façon "licite", tout le répertoire du XIXe siècle. Nous y avons entendu mille choses magnifiques - la fièvre de Brahms, la nostalgie de Chausson, la tendresse de Schumann - mais données dans une intériorité incompatible avec les dimensions de la salle et souvent ruinées par la dissipation du public. Lequel oublia heureusement de tousser à la fin du Poème de Chausson mais ne sembla vraiment heureux - avec raison, dans un sens - qu’avec l’acrobatique Carmen Fantasie de Waxman final, où s’épanouit soudain un autre son, plus ample, plus coloré, mieux projeté. De quoi reconsidérer le bis - un Schumann poignant, mené aux frontières du silence - où, assurément, Stella Chen donna "le meilleur".