Anna Netrebko et Yusif Eyvazov, un duo de feu
Concert historique à l’ORW, sous la direction de Michelangelo Mazza.
- Publié le 10-03-2020 à 07h47
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La soprano russe et le chanteur originaire d'Azerbaïdjan ont donné un concert historique à l’Opéra Royal de Wallonie (ORW), sous la direction de Michelangelo Mazza.
Le formidable carnet d’adresses de Stefano Mazzonis, directeur de l’Opéra royal de Wallonie, ne contient pas que des noms italiens ! Annoncé de longue date et sold out depuis des mois, le concert de la soprano russe Anna Netrebko avait attiré la toute grande foule dimanche malgré le report de date, le temps de chien et le coronavirus. Et tous attendaient un one-woman-show, tout en ayant observé la mention d’un ténor "de compagnie", Yusif Eyvazov, originaire d’Azerbaïdjan, par ailleurs deuxième époux (après Erwin Schrott) de sa célébrissime consœur. Le concert fut assurément spectaculaire (c’est le propre d’un show), mais ils furent bien deux à tout donner, chouchoutés par l’orchestre de la maison et son chef d’un jour, l’Italien Michelangelo Mazza.
Talents en partage
Verdi en première partie, Puccini en seconde, avec, chaque fois, deux solos pour chacun, deux duos et deux intermèdes orchestraux pour permettre aux chanteurs de reprendre des forces. Car il leur en fallut, des forces, pour enchaîner les scènes emblématiques de Don Carlo, La Forza del destino, Aida, Traviata, Tosca, Bohème, etc., suggérant le théâtre par leurs seuls déplacements sur scène, elle, faisant voler sa traîne (avec changement de robe à l’entracte), lui, jouant de ses allures de latin lover (et de ses incroyables talons à loupiotes). La voix, chez Anna Netrebko, est toujours à l’image de sa beauté, de son rayonnement, de sa sensualité, elle est aussi d’une puissance quasi sans équivalent parmi les sopranos d’aujourd’hui, mais capable de toute la douceur du monde, modulée avec un art incomparable, dans toute l’étendue de la tessiture. Sa passion fait qu’elle chante parfois trop haut (trop de pression) mais c’est plutôt sympathique, et convenons que sa conception de la "féminité" - je remonte ma mèche, je décoche une œillade, je roule (un peu) des hanches - pourrait lui valoir de se faire remonter les bretelles par certaines. Mais le plus fort, dimanche, fut de découvrir live que son ténor de mari partageait les mêmes qualités vocales (avec une petite overdose de notes tenues dans l’aigu), le même engagement, la même générosité. Particulièrement à l’aise dans Puccini - à l’écriture plus directement théâtrale que celle de Verdi -, unis, vibrant, tremblant d’amour, les deux chanteurs semblèrent bientôt ne plus faire de distinction entre la scène et la ville (comble de l’art), entraînant dans l’ivresse un orchestre en état de grâce et une salle en délire. Deux bis encore, par plis séparés, lui avec La Donna e mobile de Verdi (très drôle), elle, avec le charmant Mattinata, de Leoncavallo.