Concours Reine Elisabeth : Jonathan Fournel, l’énergie et la vision
A tous les stades de son concert, le Français surprend et éclaire.
- Publié le 15-05-2021 à 18h36
- Mis à jour le 29-05-2021 à 23h25
Le Français Jonathan Fournel, 27 ans, s’est formé avec des pianistes du gabarit de Brigitte Engerer, Claire Désert ou Michel Dalberto chez qui il obtint son premier prix au CNSM de Paris. Il fut aussi l’élève de Louis Lortie et d’Avo Kouyoumdjian à Chapelle Musicale Reine Elisabeth (2016) et se distingua dans plusieurs compétitions internationales. Il a l’expérience des concerts et a démontré au premier tour l’étendue de ses moyens techniques autant que son envergure artistique et sa maturité. Nouvelle preuve, si besoin en était, que les concours sont devenus des filières professionnelles (pour surdoués, quand même) autant que des tremplins pour débutants.
Coté Mozart, il a choisi le (rare) concerto n°18, en si bémol majeur, K. 456 (1785), un concerto solaire, que le pianiste inscrit dans les sonorités à la fois généreuses et raffinées (et on se désole que l’orchestre y réponde par tant de lourdeur et de scories). Le discours est allant, impétueux, et d’une intensité qu’on retrouvera magnifiée dans le mouvement central, sorte de monodrame passionné où la mélodie est souveraine. Finale brillant, mené aux limites de l’emportement, renouant avec le Mozart génial des deniers opéras et dont on rêverait qu’il puisse bénéficie d’un environnement plus sûr...
Le jury a choisi son premier programme de récital, on n’entendra donc pas la sonate op.1 d’Alban Berg mais on relèvera l’audace du candidat (quoique l’œuvre, qui déborde de romantisme et de passion, a de quoi ravir les cœurs...).
Le récital s’ouvre avec Nocturne de Pierre de Jodlowski et, durant quelques mesures, le temps s’arrête... C’est le tempo le plus lent - mais soutenu - et la nuance la plus douce adoptés jusqu’ici. Les fameux accords « en ciseau » sont allongés et l’ensemble de la pièce est construite comme un terrifiant crescendo, attestant, outre l’extraordinaire énergie déjà évoquée, des moyens illimités et un engagement total, visionnaire.
D’un Nocturne à l’autre, le musicien enchaîne avec le Nocturne op. 62/1 de Chopin, chef d’œuvre absolu et tout chargé de mystère, donné ici avec une simplicité désarmante.
Le récital prend fin avec les Variations et fugue sur un thème de Haendel, de Brahms, formidable parcours intégrant les styles baroque, classiques (alla Beethoven) et les effusions romantiques, dans la complexité et la virtuosité qui signent la manière du compositeur. Chaque variation est un monde dans lequel Jonathan jette toutes ses force, son incroyable inventivité, son goût du risque et la richesse de ses registres expressifs pour en dégager à la fois le sens et la beauté. Rendez-vous en finale.