Finale du Concours Reine Elisabeth : Vitaly Starikov est-il en phase avec Tchaïkovski ?
En présence des souverains, création d’un imposé luxuriant.
Publié le 24-05-2021 à 22h20 - Mis à jour le 27-05-2021 à 12h45
Tout aura été étrange au cours de cette session 2021, la finale ne fera pas exception, réservée à six finalistes plutôt que douze, tenue dans la grande salle de Bozar vide - quoiqu’avec l’orchestre et les médias, on soit sans doute proche des 150 personnes... - et rehaussé, pour la soirée d’ouverture, de la présence de nos souverains.
Le finaliste du jour sera Vitaly Starikov, premier des trois Russes en lice à à se présenter. Né à Iekaterinbourg il y a 26 ans, formé dans sa ville natale puis au Conservatoire de Moscou, il a gardé de l’enseignement de la légendaire Elisso Virsaladze (membre du jury de cette année) un jeu puissant et clair, et une technique sans faille. Ce qui lui valut une brillante prestation de demi-finale, balancée entre Bach et Brahms, et traduisant, dans Jodlowski, sa capacité a incorporer une pièce nouvelle.
C’est à lui que revient de créer « D’un jardin féerique », le concerto inédit du Français Bruno Mantovani (voir présentation ci-contre), en compagnie du BNO place sous la direction d Hugh Wolff.
Un accord long, somptueux, propagé à travers tout l’orchestre et enrichi d’une efflorescence de timbres et de couleurs parmi lesquelles les étincelles du piano, doublées ( avec plus ou moins de précision) par le xylophone. Après un premier accueil luxuriant, généreux, un brin démonstratif, la suite s’annonce plus inquiète - harmonies tendues, clusters, stridences - et marquera le début d’un périple pleins de voluptueux rebondissements. Longue cadence sur fond de notes répétées, parfois interrompue par le surgissement impérieux des cuivres ou des percussions, extension des figures pianistiques, renchérissement de l’orchestre jusqu’à un plateau de sensations inconnues, prenant fin dans une mystérieuse interrogation. Superbe partition permettant une large expression du soliste - qui semblait ici dans un univers familier - et de multiples échanges avec l’orchestre.
Vitaly Starikov poursuit avec le Concerto de Tchaïkovski op. 23, pris ici à un tempo plutôt modéré - ce qui a l’avantage de permettre une meilleure mise en valeur le potentiel expressif du concerto. Mais le jeune pianiste opte plutôt pour son caractère dynamique et rythmique, jusqu’à la partie centrale du mouvement, où se fait jour, enfin, un certain lyrisme. Si l’effusion romantique ne semble pas dans la manière du musicien, il ne manque ni d’élan, ni de passion, ni même d’autorité mais les inscrit dans des sonorités majoritairement percussives et sur un mode peu souriant (alors qu’ici les chants et les danses populaires sont partout). L’ Andantino vaudra surtout par une partie centrale vive et brillante, et le puissant finale, mené aux limites de la précipitation, confirmera la détermination du musicien dans l’austérité de ses choix. >> Découvrez notre dossier sur le Concours Reine Elisabeth 2021