Jonathan Fournel, lauréat du Concours Reine Elisabeth 2021 : "J’espère rester qui je suis"
Sonné, volubile et souriant, mais surtout sonné… Au lendemain de la proclamation des résultats, le jeune Français nous a reçu dans les locaux du Concours.
Publié le 30-05-2021 à 20h17 - Mis à jour le 30-05-2021 à 20h21
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Un premier prix mais pas de public, pas de fête, pas de réception - mais quand même un moment d’échange avec la Reine - comment, pour vous, s’est terminée cette soirée étrange, comme le fut tout ce Concours 2021 ?
J’avais besoin de prendre l’air, je suis rentré à pied chez moi, avec ma copine et un ami venu spécialement de Lille (depuis mon arrivée à la Chapelle Musicale, j’habite à Bruxelles, près de la Grand-Place). On avait faim, on a commandé, et j’ai bu deux bières. La semaine avait été très dure, j’étais intarissable, survolté et je n’ai presque pas dormi. Il me semble que je passe de, disons, pas grand-chose à quelque chose qui prend soudain toute la place, dans les médias, sur les réseaux sociaux, c’est bizarre. C’est comme si j’avais ajouté moi-même mon nom sur Wikipédia mais que ce n’était pas vrai. J’espère surtout rester qui je suis, et il va falloir que je me pose…
Vous vous êtes perfectionné à la Chapelle Musicale où vous avez aujourd’hui le statut d’"artiste associé", qu’est-ce qui vous a décidé à vous y inscrire ?
En tout cas, pas le Concours. J’avais passé six ans au CNSM de Paris, j’avais tous les diplômes mais je ne me voyais pas me lancer à 21 ans, je voulais poursuivre ma formation et être entouré d’amis. Une de mes anciens profs, Gisèle Magnan, m’a suggéré de postuler pour la classe de Louis Lortie et voilà ! Outre les cours avec Louis Lortie et Avo Kouyoumdjian (formidables), la Chapelle nous aide à nous produire ; elle nous permet aussi de pratiquer la musique de chambre à un niveau monstrueux, avec les autres étudiants et même avec les professeurs ! Augustin Dumay a été un incroyable supporter…
Quelle a été votre expérience des concours jusqu’ici ?
J’ai gagné le concours Viotti, en Italie, et le Concours international d’Écosse, mais j’ai aussi envoyé pas mal de DVD à d’autre concours, sans être retenu, ce qui fut le cas avec le Reine Élisabeth, une première fois… J’ai donc changé du tout au tout ma façon de me préparer. J’ai renoncé à des projets, je n’ai gardé en répertoire que les œuvres que je préparais pour le concours et je les ai jouées systématiquement durant près de trois ans.
Avec quel bilan artistique ?
Énorme selon moi. J’ai appris à appréhender une œuvre dans sa globalité, du début à la fin, et à construire une grande arche où tout se tient. Pour y arriver, j’ai dû faire des foules d’essais et ça m’a plu. Jamais je n’aurais été si loin dans un autre contexte.
Et le soir de votre prestation en finale ?
Les deux derniers jours à la Chapelle avaient été pénibles, j’avais l’impression de tourner en rond, je ne savais plus quoi inventer. La nuit de vendredi à samedi, j’ai fait d’horribles cauchemars et en arrivant au Bozar je me demandais ce que je faisais là. C’était vraiment… spécial. Arrivé sur scène, je me disais : surtout, ne te juge pas, avance, raconte la musique (je note des petites histoires sur ma partition, j’invente des personnages, je les appelle par leur nom…), essaie d’avoir un peu de joie, sois avec les musiciens qui t’entourent. Et j’ai senti que ça allait, et ça aussi a bien marché avec l’orchestre…
Et la pièce de Mantovani ?
L’imposé est un côté très excitant du Concours : j’adore déchiffrer et j’en ai une certaine expérience (comme ancien de la classe d’accompagnement du CNSM) et même si j’ai frémi en découvrant la partition (!) j’ai rapidement été séduit par la musique et y ai trouvé beaucoup de plaisir.
Mais pas assez que pour apprendre l’imposé par cœur, vous qui "tourniez en rond" les derniers jours ?
J’y ai pensé mais c’était prendre un risque inutile et je voulais garder toute mon énergie pour la dernière étape.
Comment avez-vous surmonté le fait de jouer devant des salles vides ?
Je me suis rendu compte comme jamais à quel point la présence des gens est importante. Même si je vois quelqu’un bailler, cela me met en contact (et cela me renseigne sur mon jeu - rires). Sans le public, on est obligé de se porter tout seul. J’ai donc imaginé le public pour m’encourager…