Pasquini, maître oublié du baroque romain
Résurrection d’"Idalma", opéra d’un claveciniste virtuose italien.
- Publié le 15-08-2021 à 18h09
- Mis à jour le 16-08-2021 à 06h38
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Parmi les festivals européens de musique ancienne, Innsbruck offre un plus incontestable : des opéras du XVIIe et du XVIIIe proposés en version scénique. Des ouvrages souvent oubliés, de compositeurs qui le sont parfois tout autant. Où d’autre verrait-on des opéras de Telemann, Pergolesi, Provenzale, Broschi, Scarlatti ou Mercadante ?
Cet été, on a le choix entre une Pastorelle en musique de Telemann, un inattendu Boris Goudenow de Johann Mattheson, ou Idalma du très discret Bernardo Pasquini (1637-1710). Quand le nom de ce compositeur romain qui côtoya, à Rome, Arcangelo Corelli ou Alessandro Scarlatti apparaît sur un disque, c'est le plus souvent pour des pièces de clavier : il fut un organiste et un claveciniste virtuose, chaînon manquant entre Frescobaldi et l'autre Scarlatti, Domenico. Il a laissé quelque 150 œuvres pour clavecin, des oratorios et dix-huit opéras, pratiquement oubliés aujourd'hui, même si certains connurent succès et reprises dans d'autres villes d'Italie. C'est le cas de cette Idalma, ovvero Chi dura la vince (Idalma, ou Qui tient bon finit par vaincre), comédie en trois actes créée le 6 février 1680 à Rome.
Une vraie comédie
La structure musicale de l’œuvre reste proche de celle des opéras vénitiens de Monteverdi ou Cavalli : pas de longs airs et moins encore de reprises da capo, mais une suite ininterrompue, dense et riche, d’airs, récitatifs, dialogues et ensembles. Exception faite du troisième acte, avec des lamentos plus développés et un certain alanguissement, le rythme est constamment soutenu : on est résolument dans la comédie. Du coup, même si on voit poindre çà et là le talent mélodique de Pasquini, l’ensemble laisse un sentiment assez uniforme : c’est que le livret, passablement sot, se limite à un marivaudage entre deux couples, avec un mari potentiellement volage (mais qui n’arrivera pas à ses fins) et deux épouses injustement soupçonnées. Il y a aussi deux valets (le début semble même annoncer la relation entre Don Giovanni et Leporello, mais cette veine n’est hélas pas poursuivie), et un tiers, amoureux un peu benêt qui assumera sa solitude lors de la réconciliation finale.
Trois bonnes heures de musique pour lever des malentendus : le manque d’épaisseur du livret rendait le travail théâtral délicat, et Alessandra Premoli n’y arrive pas. La metteuse en scène italienne se contente de camper attitudes, entrées et sorties, non sans certaines pointes d’histrionisme. Et, comme pour satisfaire à une apparence de modernité, elle nous fait croire que l’histoire se passe aujourd’hui dans un vieux palais abandonné. Une historienne de l’art et deux ouvriers (tous figurants silencieux) œuvrent à la restauration, tandis que les sept personnages de l’opéra, à l’état supposé de fantômes, les croisent sur le chantier sans jamais être vus : une confrontation plutôt stérile, juste prétexte à quelques gags éculés quand les personnages du passé découvrent des outils d’aujourd’hui.
Directeur artistique du Festival d’Innsbruck, Alessandro de Marchi connaissait de longue date Pasquini : il est claveciniste lui-même, et il avait déjà enregistré un de ses oratorios. Avec son orchestre du festival richement composé, il sert avec talent la musique de Pasquini, aidé par d’excellents chanteurs parmi lesquelles la soprano Arianna Venditelli, la contralto Margherita Maria Sala, le ténor Rupert Charlesworth ou la basse Rocco Cavalluzzi. On espère un témoignage en CD, le DVD n’est pas indispensable.
--> Innsbruck, Haus für Musik, le 16 août ; les deux autres opéras sont à l’affiche jusqu’au 26 août. Infos : www.altemusik.at.