Un surprenant palmarès au Concours de musique ancienne de Bruges
Premier prix au gambiste Teodoro Baù, devant Ursina Maria Braun et Hojin Kwon, ex aequo.
Publié le 15-08-2021 à 18h12 - Mis à jour le 16-08-2021 à 14h03
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Samedi, dans la salle de musique de chambre du Concertgebouw de Bruges, s'est tenu l'un des concours internationaux les plus prestigieux et les plus éclairés dans le domaine de la musique ancienne, désignant chaque fois les jeunes artistes qui, infailliblement, marqueront l'actualité musicale. Depuis 1964, tous les plus grands s'y sont distingués, Scott Ross, Ton Koopman, Chistophe Rousset, Christophe Bezuidenhout, Justin Taylor, Olga Pashchenko, Maxim Emelyanychev… Suivre le Concours de Bruges (MACompetition), c'est prendre le pouls de la musique ancienne à travers le monde. La session 2021 ne fera pas exception, même si, dans ses choix, le jury nous a surpris à plus d'un égard. D'abord en admettant en finale cinq musiciens (et non pas quatre) "devant le niveau exceptionnel des demi-finalistes" (parmi lesquels notre compatriote Beniamino Paganini, hélas non retenu). Ce que son propre verdict, outre la réalité des faits, n'a pas confirmé. En octroyant un premier prix (suprême distinction) à Teodoro Baù, un artiste talentueux, certes, mais dont la prestation fut inégale et globalement peu convaincante, contrairement à celles d'Urina Maria Braun et Hojin Kwon, qui n'obtinrent qu'un deuxième prix, ex aequo. Et en plaçant Lea Sobbe, audacieuse, imaginative et charismatique, sur le même pied ("mention honorable") que Minori Duguchi qui, malgré l'aura de son parcours professionnel et artistique, livra ce qu'il faut bien appeler une contre-performance. Mais nous n'avons pas assisté aux épreuves précédentes et le règlement prévoit que la demi-finale entre pour un tiers dans les cotations finales, ceci expliquant sans doute cela.
Teodoro Baù à l’écoute de sa viole
On l'a évoqué : la prestation de la violoniste japonaise Minori Deguchi connut des débuts incertains - sonorités éteintes, problèmes d'accord, fautes de réalisation -, un Lamento (voir ci-contre) incompréhensible, mais un concerto de Vivaldi d'une fine musicalité en dépit d'une fragilité inconfortable pour tous (Mention). Par contraste, la flûtiste allemande Lea Sobbe (cadette de la bande) fait découvrir un Lamento fourmillant de propositions, habilement enchaîné avec la suite BWV 997 de Bach, valant surtout pour sa gigue endiablée, avant le concerto de Vivaldi pour flûte en do (RV 444) mené avec maîtrise et juste théâtralité (Mention). La violoncelliste suisse Urina Maria Braun, aux sonorités chaudes et lumineuses, au phrasé vif et éloquent, offre une parenthèse de pure musique avec la Suite BWV 1007 de Bach menée dans la ferveur et la simplicité, avec un Lamento tout neuf, magnifiquement dialogué avec le percussionniste, et un concerto de Vivaldi balancé entre la fougue roborative et la délectable mélancolie (Deuxième prix).
À la viole de gambe, l'Italien Teodoro Baù choisit d'ouvrir avec un concerto brillant (œuvre anonyme du XVIIIe dédiée à Graun et retranscrite par Hesse) mais d'un formalisme à décourager les plus intrépides, à l'exception du finale, un peu plus jovial… Imposé bien tenu, mais sévère, et grande Chacone de Bach - dans une transcription maison - révélant soudain la relation quasi métaphysique entretenue par le musicien avec son instrument (Premier prix et Prix Outhere).
Apothéose de cette session, la prestation de la flûtiste coréenne Hojin Kwon est un feu d’artifice, s’ouvrant avec le 9e Concert de Couperin, tout de charme et d’esprit, le meilleur Lamento - et de loin - de cette finale, véritable révélation multisensorielle menée en osmose avec les percussions, et, en bouquet final, ce même Vivaldi déjà joué par Lea Sobbe, mais donné de mémoire, avec un orchestre jouant debout, plaisir et beauté réunis (Deuxième prix et prix du public).
Le MA Competition 2021: mode d’emploi
Dans son actuelle configuration, le concours – qui désormais s'organise sur base biennale – alterne les instruments à claviers et les instruments mélodiques. La session 2021 était consacrée aux seconds, en l'occurrence violon, flûte, violoncelle et viole de gambe. Placé sous la présidence du flûtiste Jan De Winne, le jury rassemblait le flûtiste Peter Van Heygen, le gambiste Lorenz Duftschmid, la violoniste Veronika Skuplik, le hauboïste Josep Domenèch Lafont, la violoncelliste Catherine Jones. Enfin, le programme de chaque finaliste (50 minutes environ) comprenait une pièce solo, suite ou sonate, choisie par le jury dans le répertoire du candidat, un concerto accompagné par Le Pavillon de musique, dirigé par Ann Cnop, et une œuvre originale avec percussion (formidable Tom De Cock) et électronique, signée Heleen Van Hagenborgh (1980) et adaptée à chaque instrument sous le titre générique de Lamento di Nadima.
--> Infos : www.mafestival.be.