Avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège sur les marches du paradis
Les "Vier letzte Lieder" de Strauss et la "4e " de Mahler, un concert ardent.
- Publié le 30-09-2021 à 14h20
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C'était son premier concert à Bruxelles depuis longtemps et le public de Bozar y était venu en nombre. Lundi, pour fêter les retrouvailles, l'Orchestre philharmonique royal de Liège avait même ajouté une œuvre - et quelle œuvre ! - au programme donné la veille à Liège, ouvrant sans préambule la soirée bruxelloise avec les Vier letzte Lieder de Strauss.
On vit donc entrer ensemble Gergely Madaras, directeur musical de l’orchestre, et la soprano israélienne Chen Reiss, longue, mince, hiératique, rejoignant l’avant-scène à pas mesurés, sanglée dans son fourreau de dentelle rose et or, genre extraterrestre pour heroic fantasy.
Voix sublime, souple, puissante, aigus brillants (mais medium un peu faible), legato irréprochable : tout cela ne suffit pas à doter ces pages de légende de leur puissance et de leur charme. Une berceuse de la vie prenant les formes d’une méditation sur la mort demande plus d’abandon, de tendresse, de vision que ce qu’on entendit en ce début de concert, d’autant que l’orchestre se distinguait par des tempos plutôt allants et des sonorités vives et détaillées, à la limite de l’objectivité. De tension, point ou peu.
Musique intense et versatile
C'est donc dans la Quatrième Symphonie de Mahler - proche du cycle de Strauss (1948) malgré les presque cinquante ans qui séparent les deux œuvres - que les mêmes musiciens accédèrent aux portes du ciel. Après les symphonies qui précèdent, toujours plus longues et plus ambitieuses, Mahler y revient aux quatre mouvements traditionnels et à des formes plus courtes, renvoyant à des thèmes populaires ou aux jeux de l'enfance, interrompus ou même traversés de glissements vers des grincements burlesques ou des abîmes mélancoliques.
Vents triomphants
Lundi, entre facéties, menace et nostalgie, tous les musiciens étaient sur le pont, les vents en particulier, triomphant dans des solos versatiles et périlleux, ainsi que le premier violon, alternant deux instruments, l'un accordé un ton plus haut, burlesque oblige. Après un adagio intense et recueilli - ah, les pizz des contrebasses ! - menant à un formidable climax, le dernier mouvement offrit son coup de théâtre avec l'arrivée sensationnelle (côté jardin cette fois) de la soprano, progressant solennellement à travers les premiers violons… Das himmlische Leben : ce fut alors comme si le ciel (resté bouché dans Strauss) s'ouvrait sur la lumière.
Chen Reiss, plus détendue qu’en ouverture, laissait enfin se rejoindre son inspiration et ses immenses moyens, tandis que l’orchestre et le chef, totalement en phase, évoluaient en apesanteur. L’auditoire les remercia d’une longue ovation.