Kazushi Ono : "Je n’ai jamais vraiment quitté Bruxelles…"
L’ancien chef de la Monnaie reprend la tête du Brussels Philharmonic.
Publié le 30-09-2021 à 15h31
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Appelé par Bernard Foccroulle en 2002 pour succéder à Antonio Pappano à la tête de l'orchestre symphonique de la Monnaie, Kazushi Ono conquit le chœur de l'orchestre et du public en quelques semaines. Après s'être imposé d'emblée dans un Elektra (de Strauss) éblouissant, il apprit le français et le néerlandais en un temps record, s'installa avec son épouse en bordure de la ville et devint un proche de la grouillante communauté bruxelloise. Suite au changement de direction de la Monnaie, son mandat ne dura que six ans - il partit pour l'Opéra de Lyon en 2008 - et l'on reste confondu de constater combien sa personnalité, son art et son rayonnement international ont marqué les mémoires. Que ce soit lui qui succède aujourd'hui au flamboyant Stéphane Denève à la tête du Brussels Philharmonic est une vraie bonne nouvelle. Nous avons retrouvé Kazushi Ono à Flagey, où il prépare les concerts de ce week-end.
Treize ans après votre départ de la Monnaie, vous revoici à Bruxelles, cette fois à la tête du Brussels Philharmonic, comment la jonction s’est-elle faite ?
Je dois d'abord préciser que je n'ai jamais vraiment quitté Bruxelles (rire), j'y avais acheté une maison que j'adore et j'ai continué à y habiter. Par ailleurs, Gunther Broucke (l'intendant du Brussels Philharmonic, NdlR) souhaitait cette collaboration depuis longtemps mais mon agent s'y était opposé pour des raisons de calendrier. En janvier dernier, en pleine crise sanitaire, j'ai été invité à diriger l'orchestre dans la Symphonie de Lintz et l'Exultate Jubilate de Mozart (avec Ilse Eerens en soliste). Deux éléments essentiels m'ont convaincu : la sonorité de l'orchestre et sa flexibilité. La sonorité, c'est le corps de l'orchestre, sa substance, sa structure ; la flexibilité, c'est la manière de jouer, le style, et donc la possibilité de travailler ensemble. Mozart n'est pas un compositeur facile en ce sens qu'il permet une énorme liberté et exige des choix précis à tout instant. C'est dans ces choix que j'ai pu mesurer la fluidité de l'orchestre et son potentiel d'évolution (Kazushi mime son travail dans les accords de l'adagio introductif (de Mozart), tour à tour dressé et accroupi, on se marre…). Mais l'impression première, celle qui a déterminé mon alliance avec l'orchestre, reste assurément sa sonorité.
Vous arrivez après Michel Tabachnik et Stéphane Denève, deux chefs charismatiques avec lesquels l’orchestre a connu un essor formidable…
Oui, cet orchestre est un véritable lucky boy mais il sait aussi prendre ses responsabilités : en janvier dernier, au cœur de la pandémie, sans public, dans la distanciation sociale, avec la seule compagnie des micros et des équipes techniques, il a démontré sa force morale, sa capacité à sonner (magnifiquement), à se donner, à être pour ses auditeurs le "viatique du cœur". Et c'est bien là ce que doit être notre profession de musicien, par tous les moyens.
Par sa tradition d’orchestre de radio, le Brussels Philharmonic a l’habitude d’entrer aisément dans de nouvelles partitions et d’assurer des créations. Comptez-vous développer ce domaine ?
Je suis proche de nombreux compositeurs - Hosokawa, Benjamin, Widman, entre autres - et il y aura des créations mondiales ! Pour ce qui est du répertoire élargi, ma tendance est de considérer Mahler comme un pivot, héritier de ce qui précède - Mozart en tête - et fournisseur de tout ce qui a profité à ses successeurs… La musique de Mahler progresse par petits groupes de phrases très élégantes et très classiques, elle est à la fois accessible (et toujours séduisante) et complexe, avec un contrepoint serré, des dissonances mouvantes, le recours à la bitonalité, etc., deux qualités essentielles selon moi.
Un peu d’opéra au passage ?
Oui (sourire mystérieux), en collaboration avec Vlaams Radiokoor…
Et des projets pédagogiques ?
Essentiels - vers les musiciens, les jeunes et, au fond, tous les publics - si l’on veut ne pas voir nos salles désertées.
Serez-vous un chef présent ? Avez-vous d’autres mandats ?
Je resterai directeur musical du Metropolitan Symphony Orchestra et directeur artistique du Théâtre National de Tokyo (l’opéra), mais je passerai sept semaines avec le Brussels Philharmonic durant la première saison, et dix semaines à partir de la deuxième. J’aurai du temps ici car je travaille ici et j’habite ici. Finalement, je suis bruxellois…
--> Prochains concerts : Schubert, Berg et Elgar, avec Veronika Eberle au violon, le 1/10 (Flagey) et le 2/10 (Concertgebouw Brugge). Infos : www.brusselsphilharmonic.be