Les regards éternels de Sylvie Vartan
La chanteuse de 77 ans revient avec “Merci pour le regard”. Son premier album de chansons originales en dix ans. Avant de se lancer dans une tournée qui passera par Bruxelles le 22 novembre.
Publié le 02-10-2021 à 15h08 - Mis à jour le 13-01-2022 à 16h28
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En 2013, Sylvie Vartan s'envolait pour Nashville sur un coup de tête, pour y enregistrer un disque de country rock. "On en parlait, comme ça, un matin", se remémore-t-elle, "et j'ai eu envie d'y retourner, d'y aller à l'instinct, au désir, comme toujours depuis le début de ma carrière." Deux ans plus tard, l'interprète s'offrait un Best of pour célébrer en beauté cette longue et riche carrière entamée en 1962 alors qu'elle n'avait que 16 ans. "Je n'étais qu'une enfant" assume l'intéressée, une ado au cœur tendre lancée à toute vitesse dans la folie des années yéyé avec son "copain" Johnny Hallyday, qui vient tout juste de lui être présenté et deviendra bientôt son fiancé.
Soixante ans plus tard, on la pensait rangée. Mais à 77 ans, Sylvie Vartan semble insatiable, passionnée. En 2018, l'icône devenue grande dame célébrait une dernière fois le talent de Johnny en reprenant vingt ans de vie et chansons communes quelques mois après le départ de ce dernier. La pandémie passée, la revoilà chantant la vie et l'amour sur un nouvel album de chansons originales, le premier en dix ans, intitulé Merci pour le regard(Columbia, sortie ce 1er octobre).
Il y en a eu des regards en 60 ans de carrière… Parfois trop, parfois pas assez ?
Oui, il y en a eu des regards (rires), c'est exactement ce que je me suis dit en choisissant le titre de l'album. Et comme pour tout dans la vie, il y a toujours un revers à la médaille, c'est comme cela. Le disque en est le reflet. C'est un album très abouti dans la mesure où toutes les chansons parlent d'amour, toutes les formes d'amour : la passion, la solitude, les sentiments qui vont et viennent. Les textes se tiennent, ils racontent une histoire.
Vous chantez : "Droit vers l’horizon j’ai marché, pas une fois je me suis retournée". Est-ce un écho à votre parcours ?
Un peu. Toutes les phrases que je chante dans chacune de mes chansons auraient pu être écrites de ma main, parce qu’elles me conviennent. Elles ont cette profondeur, cette façon d’exprimer mon vécu, mon ressenti. Je ne suis pas quelqu’un de nostalgique, je ne suis pas tournée vers ce qui a été. Le seul passé sur lequel je m’appuie, c’est mon enfance, les gens que j’ai perdus et que j’aimerais retrouver. C’est ma seule nostalgie, et dieu sait qu’elle est profonde, qu’elle a dicté mes faiblesses, mes émotions, qu’elle a façonné et sculpté la personne que je suis. C’est cette mélancolie-là et tous ces ressentis qui se retrouvent encore dans le choix des chansons.
Ce sont, aujourd’hui encore, vos émotions qui guident vos choix ?
Oui, j’ai toujours tout choisi au coup de cœur, toujours. Dès les premiers accords, je sais si une chanson me plaît et si je peux l’interpréter sur scène. Ça ne changera jamais, et ça a débordé sur ma vie personnelle. Là aussi, tout s’est fait à l’instinct, au ressenti. Longtemps, j’ai cru que je me trompais, qu’on ne pouvait pas fonctionner comme ça, mais avec le temps, j’ai compris et assumé le fait que ma première impression et mon premier désir étaient toujours les bons. On a beaucoup essayé de me dissuader de faire certaines choses, mais, quand quelque chose ou quelqu’un me plaisait, rien ne pouvait m’arrêter.
Quel que soit l’entretien que vous accordez, Johnny revient toujours, à un moment donné…
Ah mais c'est tout à fait normal, il n'y a pas de raison qu'il ne revienne pas (rires). J'ai vécu avec lui durant vingt ans et nous nous sommes aimés passionnément. Nous avons tout appris ensemble, notre amour a été cimenté par l'amour des gens, du public, que l'on partageait. Tout cela a forcément une incidence. Ce serait triste qu'il ait disparu de ma vie, de mon ciel. Moi, quand j'ai aimé les gens passionnément, je les aime toujours.
En quoi était-il important de lui rendre votre propre hommage en 2018 ?
Vous voyez, c'est vous qui en parlez (rires). J'ai aimé chanter les chansons de Johnny et faire ce disque, parce que ses chansons étaient également les miennes, nous les avons vécues ensemble. Je voulais que les gens se souviennent de lui dans sa superbe, sa beauté, le grand artiste qu'il a été, et non une sordide histoire de testament. Il avait une beauté folle, c'était quelqu'un de fragile et puissant à la fois.
Comment expliquer l’aura qui émane encore du duo que vous formiez ?
Mais c’est parce que nous étions vrais, jeunes. On avait cette force qui nous poussait, toute cette jeunesse. La jeunesse est une force. C’est puissant, motivant, on découvrait la vie, le monde, notre amour, nos possibilités. Tout cela était inégalable. On ne peut pas refaire ni revivre ces années volcaniques de folie, mais on revit les choses autrement. Tout le passé de quelqu’un demeure dans son présent, on ne peut pas faire abstraction de ce qu’on a vécu. Avec du recul, je dirais simplement que j’ai eu beaucoup de chance, parce que j’ai beaucoup aimé. J’ai été une grande amoureuse.
La vieillesse aussi est-elle une force ?
Oui, tant qu’on a la santé. Mais, évidemment, l’ombre de ce qui peut arriver est plus inquiétante. Ces deux dernières années en ont été le reflet. Elles ont été très tristes et difficiles pour tellement de monde.
"Je ne me suis jamais arrêtée de chanter"
Après deux ans de concerts reportés, Sylvie Vartan peut enfin respirer : sa tournée débutera officiellement le 11 octobre prochain à Paris, avant de passer par Bruxelles (au centre culturel d'Uccle, le 22 novembre), la Suisse et le reste de la France. " On a passé la troisième vitesse , lance-t-elle dans un élan d'enthousiasme. Je chanterai huit chansons de mon dernier album sur scène, c'est la première fois qu'elles prendront vie devant un public, je suis très impatiente ."
Cela fait soixante ans que vous tournez, le plaisir reste-t-il intact ?
C’est le plaisir de rencontrer le public qui est intact, retrouver cette émotion de l’enfance, qui demeure vive dès que l’on est sur scène. Lorsqu’on joue, on est ailleurs. C’est un bien-être, quelque chose d’exaltant qui soigne tous les maux. Je ne peux pas m’en passer.
Vous proposez une tournée intimiste, dans de petites salles, pourquoi ?
Je voulais quelque chose de beaucoup plus proche que ce que j'ai pu faire par le passé. Quand j'ai décidé de faire mon premier Palais des Congrès ( salle de concert parisienne de 4 000 places, NdlR ), dans les années 1970, tout le monde me disait de ne pas le faire, parce que j'avais toujours chanté à l'Olympia. Mais je le sentais profondément, je voulais proposer autre chose, avec des danseurs, des chorégraphes… Depuis lors, j'ai toujours tourné dans de grandes salles, des Zéniths, des Palais des Sports. Mais, au bout de trente ans, j'ai fini par m'en lasser. Je ne faisais que répéter la même chose, reprendre les mêmes formats. J'ai réalisé que tout ce qui relève du grand spectacle éloigne des gens. Lorsque je chante dans de plus petites salles, le ressenti est totalement différent, je donne autre chose, et le public également.
Cette nouvelle tournée, maintes fois reportée, est-elle particulière ?
Oui, car j’aime me sentir proche des gens, m’approcher d’un visage, chanter pour quelqu’un. C’est à ce point intense et intime, que je ne répète jamais. J’apprends mes textes bien entendu, mais je n’y mets pas de sentiments, car je suis incapable de faire semblant et de proposer cela pendant les répétitions, donc je n’en fais pas.
Dans le reportage que vous consacrait une chaîne de télévision française, il y a quelques années, un imprésario s’épatait de votre voix actuelle. Votre voix a-t-elle quelque chose de plus aujourd’hui ?
Je ne sais pas s'il y a quelque chose de plus, mais la voix de mes débuts était une voix d'enfant, les tonalités étaient plus hautes. On m'a dit dernièrement qu'au tout début de ma carrière, j'avais chanté 300 fois en un an. C'est complètement fou. Quand je pense à ces années-là, ces années-lumière, dorées, rouge feu, je me vois tout le temps en scène, en Rolling Stone, partant et arrivant avec mes valises, parcourant la France et le monde. Comme je ne pensais pas chanter aussi longtemps, à mes débuts, je ne travaillais pas ma voix et je tombais tout le temps aphone. Ce n'est que lorsque j'ai fait la connaissance d'un coach extraordinaire, un chanteur d'opéra, que j'ai commencé à la travailler. Heureusement, parce que les spectacles étaient longs et épuisants, il fallait que ma voix tienne. Finalement, je ne me suis jamais arrêtée de chanter, et maintenant, je touche du bois ( rires ).