Baby Queen, une rockstar en croisade contre les influenceurs
La popstar britannique se paie le monde des fashion victims et des influenceurs sur le corrosif et pourtant très pop "The Yearbook"
Publié le 08-10-2021 à 11h59 - Mis à jour le 08-10-2021 à 12h13
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"Le seul problème à Londres, c'est la nature" reconnaît Bella Latham de sa jolie voix rauque, "pas moyen d'avoir un espace vert en sortant de chez soi". "Il y a bien quelques parcs" lâche-t-elle conciliante "mais pas de quoi vous reconnecter avec votre environnement". Quand on passe la totalité de sa jeunesse dans une ville comme Durban (Afrique du Sud), coincée entre l'océan et les étendues sauvages, la comparaison est forcément désavantageuse. Enfant, Bella part randonner tous les week-ends avec son père, qui l'abreuve de funk et de soul pendant les longs trajets.
La jeune fille veut évidemment devenir "Ranger", on la comprend, elle vit littéralement entre les girafes et les éléphants, mais l'ado découvre la guitare, le piano, enregistre quelques morceaux, et réalise que Durban est également une petite ville conservatrice et étriquée. "J'avais de l'espace pour rêver, pas pour jouer" poursuit-elle. "Le milieu musical était très masculin dans le coin, je ne rentrais pas dans le schéma, alors il m'était tout simplement impossible d'être moi-même".
Londres, le deuxième choix
À 18 ans, Madame boucle ses valises direction Hollywood, qui lui ouvre grand les portes d'une carrière de popstar…. Ou pas. La green card lui passe sous le nez, et Bella échoue à Londres, gracieusement rebaptisée "deuxième ville de la planète où on peut envisager une carrière musicale". "Je pensais que tout se lancerait facilement, je m'étais trompée. Pendant quatre ans, j'ai vécu un parcours aussi chaotique qu'excitant".
Extatique face à l'offre pléthorique d'activités nocturnes proposées par Albion, Bella quitte le gîte offert par sa tante, vit à la petite semaine, et tombe amoureuse d'une influenceuse de mode sur Instagram. "Une nouvelle fois, et sans le vouloir, je me suis retrouvée dans un milieu auquel je n'appartenais absolument pas. Londres est un endroit rude, où vous pourriez mourir sur un coin de trottoir sans que les gens n'y prêtent attention. Je fréquentais des gens qui me donnaient le sentiment que toute la ville était remplie d'abrutis hautains et autocentrés. Quel que soit l'endroit où je me trouvais, j'étais transparente, insignifiante, parce que je n'étais pas "populaire" sur les réseaux sociaux. Je passais des soirées entières avec des "influenceurs" autoproclamés qui passaient leur temps sur leur téléphone à retoucher des photos censées représenter leur vie rêvée. Tout ce qui m'attirait chez eux s'est écroulé, tout ce que je trouvais cool par téléphone interposé était fake et misérable".
Merci la rupture
Coup de chance, elle finit par se faire larguer, revient à la musique, et y voit un outil idéal pour dénoncer ce qu'elle considère comme "un réel danger pour tous les ados qui se laissent influencer en ligne par les mensonges et contre-vérités qui y circulent". "Plus je me suis éloignée de ce milieu toxique, plus j'ai réalisé à quel point il m'éloignait de mes rêves" insiste Bella Latham. "J'ai travaillé sans arrêt. J'ai composé, composé et encore composé pour trouver une voix, un style, un univers". Bella prend alors le nom de Baby Queen, qui évoque à la fois le passé et l'avenir, l'immaturité et les projets en devenir.
Sous une couche rose bonbon, ses textes collent totalement à son vécu et évoquent brutalement et honnêtement ce passage à l'âge adulte, avec une bonne dose d'acide citrique et de second degré. "Tout ce que je voulais, c'est rester totalement honnête. Montrer l'intensité ce que qu'on peut ressentir à un âge où tout change". The Yearbook ** (Universal, sorti le 3 septembre) est un témoignage, plutôt gonflé sur la forme, puisqu'il prend le contre-pied de la tendance pop actuelle au minimalisme, pour emballer le tout dans un déluge de beats et instruments rappelant le début des années 2010.
"Je suis manifestement une artiste pop" insiste Bella. "Mais je veux avoir les droits et l'attitude des rockstars. C'est tellement plus intéressant et ouvert que ce que l'on attend des popstars bien formatées." La carrière de Ranger, c'est terminé ? "Pas du tout" conclut Baby Queen "Il y a environ un mois, j'ai craqué, je voulais tout abandonner. Le seul endroit vers lequel je sentais un appel, c'était les plaines sauvages sud-africaines. Je ne deviendrai peut-être pas garde-chasse, mais un jour, j'achèterai une ferme dans une réserve naturelle".