Nous avons écouté "Nonante-cinq", le nouvel album d'Angèle: voici notre verdict

La Bruxelloise a réservé une monumentale surprise à ses fans à l'occasion de son anniversaire, ce 3 décembre. Elle a sorti son second album, Nonante-cinq, sur toutes les plateformes digitales une semaine avant la sortie officiellement annoncée.

Nous avons écouté "Nonante-cinq", le nouvel album d'Angèle: voici notre verdict
©Manuel Obadia-Wills

Minuit sonnant, dans cette nuit de jeudi à vendredi, Nonante-cinq est disponible sur toutes les plateformes digitales. Angèle a tenu la promesse annoncée lors de sa "soirée d'anniversaire" live sur Instagram, soit la disponibilité de son second album une semaine avant la date de sortie programmée, soit le 10 décembre. Les voici donc ces 12 titres tant attendus par les innombrables fans qu'elle a séduits avec Brol et ses concerts depuis désormais 3 ans.

Premier constat : les fondamentaux posés par Brol en 2018 sont toujours bien là. La pop d'Angèle, peut-être encore plus catchy qu'auparavant, tout comme sa voix, sont instantanément reconnaissables. À l'image du premier single, "Bruxelles, je t'aime", le tempo est souvent enjoué ("Plus de sens", "On s'habitue", etc.). Quant à la production, elle est soignée aux petits oignons et contemporaine à souhait. Là non plus, ce n'est pas une surprise. Aux manettes, on retrouve Tristan Salvati, le Max Martin (Britney Spears, Katy Perry, etc.) de la francophonie, déjà à l'œuvre sur le premier album de la Bruxelloise.

Le format pop est plus qu’assumé, il est revendiqué. Sur les 12 titres présents, 9 affichent moins de 4 minutes au compteur.

Après "Balance ton quoi", voici "Tempête"

Autre constat qui attire tout de suite l'attention : l'Autotune. Il y en a, comme Michel Audiard le fait dire à ses personnages dans les dialogues des Tontons flingueurs. Pas tout le temps mais souvent. Peut-être de quoi crisper ceux qui sont allergiques à ce tic des rappeurs, même si aujourd'hui, soyons honnêtes, l'Autotune est aussi devenu un gimmick parfaitement intégré dans la pop.

Angèle ancre Nonante-cinq dans son époque. Ses chansons sont traversées par la pandémie ("Plus de sens"), le besoin de liberté dans tous les sens du terme ("Libre" et sa basse sautillante, "Mauvais rêves" en guise de final), une dose de méthode Coué aussi, pour se dire qu'il y a moyen de voir les choses du bon côté ("Profite" et "Pensées positives").

Des questions brûlantes faisant écho à l'actualité traversent aussi ce disque comme avec" Tempête" qu'il est difficile de ne pas rapprocher de "Ta fête" de Stromae sur le plan du propos, c'est-à-dire celui des femmes battues. Voilà qui n'est pas sans rappeler, sur le plan de l'idée, "Balance ton quoi", l'un des moments forts de Brol.

Damso chasse les démons

Et tout au long de Nonante-cinq, il y a cette constante : une Angèle qui se livre, à l'instar de ce que l'on peut découvrir dans ce documentaire qui lui est consacré sur Netflix. Ses doutes, ses peines, ses cauchemars nourrissent ce second album. C'est le cas sur "Démons", l'un des morceaux marquants du disque. C'est le featuring avec Damso, le seul invité de ce second album. Le beat se fait lourd, plus que sur les autres chansons. Il est presque martial. "Je n'ai pas l'air de m'en faire/Mais si vous saviez comment c'est dans ma tête…", confesse Angèle. "Jour après jour je m'habitue à mes ennemis qui me tuent". Tout est dit dans le refrain, paradoxalement catchy à souhait : "Comment faire pour tuer mes démons/Comme un ange en enfer, j'oublie mon nom/Si la magie opère, tous ils tomberont".

Mais c'est évidemment l'entrée en scène de Damso qui monopolise l'attention. Il s'amuse de la situation : "Je feat avec Angèle/Pas de gros mots, radio, faut qu'on passe/Au lieu d'un 'nique ta…' Non, non/Je dirai 'grand bien leur fasse'" Puis il décoche ses flèches : "Comment faire pour tuer les haineux/Juste en n'en parlant plus". En la matière, il sait de quoi il parle, résultat à la clé! "Ces faux rappeurs, non, font moins de vues que j'ai d'albums vendus". Et il semble livrer à celle qu'il a invitée sur disque et sur scène avant qu'elle ne prenne son envol, la recette pour qu'elle puisse chasser ses démons : "Je rappe, je chante, je produis, j'écris pour les gens/Je sais comment faire pour tuer tes démons". Dont acte !

Un "Taxi" dans la nuit

Il est aussi beaucoup question d'amour… et de rupture sur Nonante-cinq. C'est le cas sur "Taxi", véritable pierre angulaire de ce nouvel album. Ça commence par un piano qui semble tout droit sortir d'une nuit que l'on perçoit pluvieuse et froide. Triste. Très triste. Et au fil du texte une évidence s'impose : Angèle se livre sur un moment particulièrement douloureux, sa rupture avec Marie Papillon. Comment comprendre autrement ces mots : "Ce soir dans un taxi/Part une dispute sans queue ni tête/La buée et la pluie se reflètent dans tes yeux fâchés".

Angèle évoque à quel point cette relation l'a changée et elle fait ce qu'il faut bien appeler son mea culpa : "Avant toi, c'était moins bien/Demain tu vas me manquer", "Si je te prends la tête/C'est que la mienne va exploser". La faute à qui ? À cette vie, la sienne, exposée de toutes parts, explique-t-elle dans cette chanson vraiment prenante. "D'ailleurs, je ne peux pas m'empêcher/De composer comme exutoire/Racontant ma vie privée/Et puis ensuite de m'en vouloir."Là aussi, tout est dit.

On le comprend par la force de la musique, du texte et de l’interprétation qui transparaissent dans “Taxi”, cette histoire d’amour avec Marie Papillon, c’est la double peine pour Angèle. La première est de s’être fait voler son coming out comme elle l’explique dans le documentaire sur Netflix, la seconde étant cette séparation manifestation très difficile à encaisser.

Le coup de coeur: "On s'habitue"

Enfin, il y a notre coup de cœur de ce disque. Une sorte d'ovni qui sort quelque peu des sentiers sur lesquels Angèle avait l'habitude de nous emmener jusqu'ici. Avec "On s'habitue", la chanteuse égraine à la façon d'un journal intime les premières fois. Celles des 14 ans qui font mal au ventre. Celles des 17 ans synonymes de première rupture. Elle dresse ce constat : "On s'habitue à tout/Sauf peut-être à perdre ce qu'on aime". Difficile de la contredire.

Qu’on se le dise, avec Nonante-cinq, la Bruxelloise va une fois de plus cartonner. Cela ne fait pas l’ombre d’un pli.

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