Harcèlement, drogues,... : le secteur de la nuit s’interroge et se construit

Hypercréatif avant la pandémie, le secteur de la nuit se relance. Symbole de la vitalité et de la diversité bruxelloise, le Listen Festival s’ouvre fin mars, et s’attaque, outre sa pléthorique programmation musicale, à la question du harcèlement, des drogues, des nuisances et des webradios devenues incontournables ces deux dernières années.

Harcèlement, drogues,... : le secteur de la nuit s’interroge et se construit
©Wallisannika

Annulée pour cause de Covid, l’édition 2020 du Listen Festival comportait un "programme de jour", soit un ensemble de talks, conférences et ateliers, destinés aux professionnels du secteur. Après #MeToo mais bien avant #BalanceTonBar, la question de la sécurité et de la lutte contre les différentes formes d’agression et de harcèlement y tenait déjà une place centrale.

"Le problème est sociétal, endémique, et demande une réflexion à de nombreux niveaux, notamment l'éducation, mais notre secteur a évidemment un rôle à jouer", estime Lorenzo Serra, fondateur du festival et président de la fédération Brussels By Night. "Je pense que nous devons d'abord rappeler à tout le monde qu'une soirée consiste à communier, tous ensemble, autour d'une expérience partagée. Et que cette communion induit une responsabilité de chacun vis-à-vis d'autrui. De la bienveillance, de la vigilance. Si je vois quelqu'un en difficulté à côté de moi, je dois l'aider. Il y a mille façons d'intervenir si on est témoin d'un cas de violence ou de harcèlement."

"Le deuxième point essentiel, ajoute-t-il, c'est la question du consentement. Dans un club, les gens dansent, une absence de réponse ou de réaction ne veut pas dire oui. Cela concerne les femmes, les hommes, tous les membres de la communauté LGBTQI +, et toutes les personnes qui ne sont pas forcément à risque, mais deviennent des proies faciles parce qu'elles ont pris un verre ou d'autres substances."

Le plan Sacha et la lutte contre les agressions

Le vendredi 1er avril, les organisateurs du festival proposeront un atelier mené par le "plan Sacha", ou "Safe attitude contre le harcèlement et les agressions". Un projet lancé en 2018 dans le cadre du festival Esperanzah !, qui partage désormais son expérience et ses conseils avec d'autres organisateurs d'événements. "Nous n'avons pas de formule magique face à cette problématique, commence par insister sa coordinatrice, Cécile Roche, mais on essaie de trouver des clés, des solutions, de partager notre expérience."

"Notre travail consiste entre autres à former les organisateurs et organisatrices pour que leurs équipes prennent elles-mêmes cette thématique en main, poursuit-elle. À chaque événement de développer sa charte, sa structure, son approche, en fonction de la réalité de son terrain. Dans ce cas précis, le Listen Festival nous a demandé de donner une journée de formation que nous baserons sur trois modules. D'abord, une approche théorique : qu'est-ce qu'une agression ou un cas de harcèlement ? Comment les identifier ? Quels sont les stéréotypes et les mécanismes sociétaux à l'œuvre ? Il s'agit de mieux cerner le phénomène pour correctement l'affronter."

Une approche collective

Deuxième module, reposant entre autres sur des témoignages et des expériences vécues : comment éviter que ce type de situation ne se reproduise, anticiper le phénomène, apprendre à réagir lorsqu’une agression a lieu ?

Suit, enfin, l'élaboration d'une charte et d'un protocole, à destination du public et des acteurs mêmes de l'organisation. "Il est essentiel de développer un réel plan d'action pour que cette charte ne soit pas juste un document qui prend la poussière, insiste Cécile Roche. Faire passer un message avec une belle campagne d'affichage, c'est bien, mais ça ne suffit pas. Il faut des dispositifs concrets, former les équipes, définir une forme d'intervention auprès de l'agresseur et la personne agressée sans la mettre en danger… Ce que l'on cherche, avant tout, c'est que l'ensemble du public s'empare collectivement de cette responsabilité."

La délicate question des drogues

Du 31 mars au 3 avril, d'autres panels de discussions ont été programmés sur la réduction des nuisances, la question des droits d'auteur, ou la question délicate de l'usage des drogues dans le clubbing. "Face aux drogues, il y a deux possibilités, estime Lorenzo Serra, la politique de l'autruche, ou celle qui consiste à dire : c'est là, des drogues sont consommées, comment gère-t-on ça ?"

"Le rôle des opérateurs n'est pas de faire de la répression, poursuit le fondateur et directeur du Listen festival. Nous ne sommes pas la police. En revanche, nous sommes là pour aider, éduquer, modérer. L'idée est de dire : si tu prends quelque chose, sache au moins ce que tu prends. En cas de circulation d'une drogue dangereuse, par exemple, il faut que des associations spécialisées soient présentes. Nous travaillons avec l'organisation Modus Vivendi sur les lieux où il y aura beaucoup de monde. Nous réfléchissons, par ailleurs, à l'opportunité de mettre en place des zones de testing lors des soirées, mais je ne suis pas certain que la société soit prête pour cela. Si tu fais du testing, tu reconnais que de la drogue circule potentiellement dans ta salle ou ton festival. Que dit la loi dans ce cas-là ? Que va dire un procureur ? Il pourrait simplement envoyer la police et tout faire fermer sur-le-champ." La discussion est en cours, le débat important.

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