Demi-finale du concours Reine Elisabeth : Morita versus Huang, variations sur un concerto en ré de Haydn
La candidate belge y est ébouriffante. Suivront les deux magnifiques récitals de Thomas Demenga et Florian Pons.
Publié le 17-05-2022 à 19h50 - Mis à jour le 20-05-2022 à 11h42

L’après-midi de mardi s’ouvre sur le concerto en ré majeur de Haydn, avec le très poétique Keisuke Morita (Japon, 25 ans), qui malgré le tempo modéré de l’introduction, ralentit encore l’allure, comme pour donner un caractère de libre improvisation - essentiellement sur le versant dramatique - à ce premier mouvement. Il y fait entendre un discours ample et personnel, mais parfois aux limites du décrochage. Tendance accusée dans l’adagio, avant un finale solaire, épanoui, essentiellement chantant. Vision alternative et cohérente, et soutenue comme tel par un orchestre en état de grâce.

Notre compatriote Stéphanie Huang, 26 ans, enchaîne avec le même concerto, plus enlevé sur le plan rythmique, sans brider les échappées chères à Haydn ni, surtout, son chant. La musicienne y déploie une beauté de son et une aisance technique qui culmineront dans une cadence de sa plume, absolument magnifique. L’adagio sera un moment de douce extase et le final, pris à toute allure, un feu d’artifice, mené comme sans effort, les triples notes balancées dans un sourire, la joie !

Accompagné par José Gaillardo, Samuel Niederhauser (Suisse, 24 ans) ouvre son récital avec les Fantasiestücke de Schumann, d'une douceur et d'une nostalgie délectables : comme au premier tour, les sonorités sont fines, justes et expressives, parvenant à conjuguer naturel et complexité, et suscitant donc sans cesse la surprise. Et l'adhésion. Comme dans la sonate de Debussy, sensuelle, maîtrisée, et débordante d'imagination. Ce furent ensuite les prouesses hallucinées de EFEU de Thomas Demenga, surfant sur le silence d'une salle en sidération, la pièce de Daan Janssens, donnée de mémoire, bien entendu, et complètement réappropriée. Les pirouettes de Tchaïkovski permettront de conclure dans un sourire…

Autre forte personnalité, Florian Pons (France, 27 ans) aborde son récital seul, avec les Strophes (etc.) de Dutilleux, où il atteste, lui aussi, sa familiarité avec les écritures contemporaines et, rejoint par la pianiste Ojiro Okada, sa version puissante et colorée de Janssens s'impose comme une des plus convaincantes. Bonheur, ensuite, de le suivre dans la sonate de Franck, archiconnue, certes, mais "réveillée" par l'engagement passionné d'un musicien qui sait tout faire, tout dire, y compris du plus intime, et toujours avec goût. Avec encore un petit Dvorák craquant pour la route…Martine D. Mergeay
