Concours Reine Elisabeth : l’irrésistible chant de Stéphanie Huang
La jeune Belge affronte Dvorak avec passion et maitrise
- Publié le 31-05-2022 à 21h54
- Mis à jour le 04-06-2022 à 00h09
Tonnerre d’applaudissement à l’arrivée sur scène de notre compatriote Stéphanie Huang, 26 ans, qui, après avoir chaussé ses lunettes et observé un moment touchant de concentration, plonge dans la première page du chatoyant Album de Jörg Widmann. Entrée franche, dessinée dans des sonorités claires et élégantes, pas très puissantes, ce qui entraîne hélas un déséquilibre avec l’orchestre et, partant, un défaut d’intensité ou de lyrisme dans les deux premiers mouvements, en place sans plus. Réserve qui s’efface dans le « Lied im Volkston » suspendu, lumineux, poétique (dans un environnement orchestral qui fait irrésistiblement penser à notre cher Philippe Boesmans), mais la trépidante « Bossanova de Clara et Robert (oui !) » gardera le même caractère intimiste, quasi à contre sens du joyeux déchaînements qu’il implique. Belle cadence et fin éclatante « Mit Humor ».
Avec le Concerto de Dvorák, la gracieuse Stéphanie Huang s’est lancé un défi, notamment celui de tenir tête à l’énorme orchestre voulu par le compositeur. L’introduction du Brussels Philharmonic n’a rien de rassurant à cet égard mais dès l’entrée de la soliste, et sous la baguette attentive de Stéphane Denève, l’alliance s’installe dans les rapports de puissance avec l’orchestre ; et c’est évidemment dans l’épisode lyrique central du mouvement que se fait vraiment entendre la « voix » de la musicienne, sa lumière, sa magie. Qu’il soit permis quand même de regretter que dans ce contexte, l’orchestre n’ait pas adapté le caractère des énormes tutti entourant les parties solistes, notamment lors de la fin du premier mouvement, aux limites du brutal. Moment de grâce, par contre, dans le début du poignant Adagio (aux contrastes véhéments et désespérés), guidé par le jeu engagé, intense et sensible de la jeune-femme, ici véritable maîtresse de cérémonie. Et elle le restera dans le troisième mouvement, lancé avec autorité et doté de la saveur populaire qui en fait le charme. Stéphanie Huang le tiendra fermement, passionnément, unie à l’orchestre sans jamais rien en montrer (un seul coup d’œil, craquant mais fugitif, au premier violon avant la coda) et soulevant une irrésistible émotion. Nouveau tonnerre d’applaudissements…