Concours Reine Elisabeth : Marcel Johannes Kits, le rouge est gagnant

Eblouissante prestation du candidat estonien, entre chemise flamboyante, audaces payantes et sonorité de rêve.

Nicolas Blanmont

Ce qui frappe immédiatement quand Marcel Johannes Kits aborde les premières mesures de des 5 Albumblätter de Jörg Widmann, c’est la rondeur et l’ampleur de sa sonorité. On aura beau dire que l’instrument – un Ruggeri de 1674 – y est pour quelque chose, c’est aussi l’art du soliste de pouvoir la sculpter ainsi. Une telle présence sonore est forcément un atout : même les pianissimi les plus raffinés – et l’Estonien en ose – passent la rampe et captent l’attention. Dans Liebelei, il stupéfie par sa liberté de ton et son aisance dans une musique qu’il vient de découvrir – comme les autres – il y a huit jours, mais qu’il maîtrise comme s’il la jouait depuis des années : on y retrouve l’humour qu’il avait déjà montré dans la sonate de Poulenc en demi-finale, mais aussi le lyrisme requis, qui se prolonge dans le Lied im Volkston central. La Bossanova et le Mit Humor sont emmenés à tombeau ouvert (au prix de l’un ou l’autre raccourci ? il faudrait avoir la partition sous les yeux), mais le résultat est bluffant. Pendant les applaudissements, le candidat ose une mimique de soulagement, mais il peut être fier. Dommage que le compositeur n’était plus là ce soir pour l’entendre.

Lors de la première session de violoncelle du Concours en 2017, six des douze finalistes avaient joué le premier concerto en mi bémol majeur de Chostakovitch. Cette fois, ils ne sont plus que deux, dont Kits. L’Estonien a abandonné sa veste de smoking pour revenir le jouer et, avec son éclatante chemise en soie rouge à col Mao, il se pose en icône constructiviste du plus pur art soviétique avant d’avoir même joué une note : audacieux, mais brillant ! D’emblée, le ton est donné : attaques précises, rigueur du rythme, humour caustique. La salle est subjuguée, au point que personne n’ose tousser à la fin de l’allegretto d’entrée. Sans pathos excessif, le moderato se fait émouvant, bouleversant même dans le dialogue avec le célesta. La superbe sonorité de Kits fait merveille dans la Cadenza, qui ramène à un éblouissant allegro con moto final.

Coup de chapeau au passage au Brussels Philharmonic, qui livre une prestation de haut vol avec un Stéphane Denève qui, loin de se contenter de jouer les utilités, contribue de façon significative à l’excellence musicale de telles prestations.

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