Concours Reine Elisabeth : avec Lutoslawski, Hayoung Choi en gagnante possible

Eblouissante d’aisance, la candidate coréenne signe une prestation audacieuse, brillante et exceptionnelle à tous points de vue.

Nicolas Blanmont

Là où la plupart de ses collègues (sauf Marcel Johannes Kits) s'étendent sur deux lutrins, Hayoung Choi a fait des collages dans sa partition des 5 Albumblätter de Jörg Widmann pour qu'elle tienne sur un seul. Signe d'aisance ? C'est avec beaucoup d'élégance, de classe même, qu'elle aborde l'Adagio ohne allegro. Sourire en coin, presque mutine, elle se promène dans Liebelei comme si c'était la pièce la plus simple et la plus familière de son répertoire. Mais, l'air de rien, le son est affirmé, superbement projeté. Eminemment lyrique dans le Lied im Volkston (avec des battements de cil presque synchronisés avec les oscillations de son vibrato), elle conclut, tout aussi souriante, chaloupée avec un stupéfiant naturel dans la Bossanova et concluant d'éclatante façon avec la cadence Mit Humor. Si Jeremias Fliedl était Harry Potter, elle est Luna Lovegood sous le regard bienveillant d'Hagrid Denève.

Etonnant ! Il aura fallu attendre 2022 pour qu’une œuvre de Witold Lutoslawski (1913-1994) soit jouée en finale au Concours Reine Elisabeth. Il est vrai que le grand compositeur polonais n’a pas laissé de concerto pour violon, et que personne, depuis sa création en 1988 par Krystian Zimerman, n’a osé proposer son concerto pour piano. Alors voici, en cette deuxième session de violoncelle, son concerto pour cet instrument, créé – et inspiré – par le grand Mstislav Rostropovitch en 1970.

Humour, sensualité, précision des attaques et netteté rythmique : avant même que l’orchestre ait joué une note, Choi se montre tellement formidable dans la longue cadence qui ouvre le concerto qu’on comprend qu’elle est déjà en train de monter sur le podium. Les attaques des trompettes, les stridences des cuivres, les unissons des cordes, les cascades de percussions, rien ne la démonte évidemment. Parfaitement concentrée, éminemment musicale, elle garde le cap et la direction des opérations. Voir ce concerto si rare recréé sous ces doigts est un moment fascinant, qui rend presque obsolètes les concertos plus traditionnels. L’expérience transcende les limites d’un concours, mais on ne comprendrait pas que la conjonction de ce choix audacieux et courageux et d’un tel talent ne la mène pas sur le podium. Et qui pourra faire mieux jusque samedi ? Le public est debout !

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