Concours Reine Elisabeth : un palmarès qui fait l’unanimité
Le jury a privilégié l’expressivité et l’émotion sur la virtuosité pure, mais ceux qui cumulaient le tout l’ont emporté.
Publié le 05-06-2022 à 17h11 - Mis à jour le 05-06-2022 à 17h23
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On se souvient d’années où l’on est reparti du Concours Reine Elisabeth en pestant sur ces membres du jury qui préféraient des musiciens techniquement parfaits à d’autres qui, fût-ce au prix de l’une ou l’autre imperfection, en disaient tellement plus. Rien de tel cette année. Ceux qui l’ont emporté cumulaient perfection technique et expressivité, et ceux que le jury a classés dans la foulée ont manifestement reçu l’absolution de quelques défaillances mineures pour prix de leur sincérité.
Hayoung Choi était une gagnante évidente, et La Libre l'avait écrit dès la fin de sa prestation de mercredi à l'issue d'une exécution magistrale du très rare concerto de Lutoslawski : « On ne comprendrait pas que la conjonction de ce choix audacieux et courageux et d'un tel talent ne la mène pas sur le podium ». Et de fait. La Coréenne a joué divinement, mais elle a aussi joué une œuvre que personne d'autre n'a osé tenter : sa victoire est donc mille fois méritée au vu de sa virtuosité et de son expressivité, mais aussi de l'intelligence de son choix. On rêve que son exemple inspire ses jeunes collègues et que, désormais, les violoncellistes, mais aussi les pianistes et les violonistes osent sortir des choix faciles et évidents pour proposer des concertos plus rares.
La deuxième place de Yiban Chen se justifie aussi par son alliance parfaite de la maîtrise technique et de l’expressivité, tant dans l’imposé de Jörg Widmann que sans le premier concerto de Chostakovitch. Un choix qui lui allait comme un gant mais qui, il faut le reconnaître, était moins risqué que celui de sa devancière. Même choix pour l’Estonien Marcel Kits qui obtient le bronze, ce qui a pu surprendre certains au vu de l’une ou l’autre imprécision dans sa prestation de mardi, mais c’est là justement que le jury a commencé à manifester sa mansuétude aux plus expressifs.
Le même raisonnement vaut pour les trois autres candidats classés. Techniquement, on pouvait mégoter sur l’un ou l’autre aspect de leurs prestations. Mais Oleksiy Shadrin avait si bien traduit tout le drame de son pays dans Prokofiev qu’il avait arraché des larmes à une partie des spectateurs, Petar Pejcic avait fasciné par sa lecture hallucinante et hallucinée du deuxième concerto de Chostakovitch, et Brian Cheng avait joué le plus enflammé des concertos de Dvorak (sans même parler de sa formidable paire de chaussettes zébrées noir et bleu électrique).
On peut s’étonner de ce que Samuel Niederhauser ne figure pas dans le haut du classement. Mais, justement, le Suisse avait aussi marqué par une sérénité imperturbable, qui a pu finir par être perçue comme un manque d’engagement. Sans démériter le moins du monde, les cinq finalistes restant ont, d’une façon ou d’une autre, laissé transparaître les uns l’une ou l’autre défaillance, les autres un certain manque d’engagement qui expliquent leur (non) classement. Et on ne répétera jamais assez combien arriver en finale d’un tel concours est déjà un aboutissement exceptionnel.
Coup de chapeau à Stéphanie Huang, seule Belge cette année et qui a pu séduire le public de la RTBF comme celui de la VRT puisqu’elle s’est vu décerner tant le prix Musiq3 que le prix Klara. On dira, et c’est un peu vrai, qu’un certain chauvinisme a pu alimenter ces plébiscites, mais il n’en reste pas moins vrai que la candidate a ainsi gagné une notoriété et un attachement comparables à ceux que sa sœur Sylvia avait pu conquérir en 2019.
Enfin, on l’a presque oublié : cette deuxième session de violoncelle marque aussi et surtout le retour du Concours Reine Elisabeth à la normale. Après le vide de 2020 et la session réduite de 2021 (six finalistes seulement, et des prestations à huis clos), la compétition a retrouvé son rythme normal et ce sont bien douze finalistes qui ont été proclamés par Gilles Ledure. On y a juste perdu les applaudissements que le jury adressait l’an dernier aux candidats à l’issue de leur prestation : il faut dire que ses membres étaient alors les seuls spectateurs présents dans la salle Henry Le Bœuf.