Les Rolling Stones en forme olympique à Munich
Le trio Mick Jagger, Keith Richards et Ron Wood a donné un concert enthousiasmant à l’Olympiastadion, dans la capitale bavaroise. Les Stones vont même jusqu’à renouveler l’approche de certains grands classiques comme « Miss You » ou « Sympathy for the Devil ». Chapeau ! Ils se produiront au stade Roi Baudouin à Bruxelles le 11 juillet.
Publié le 06-06-2022 à 09h47 - Mis à jour le 09-06-2022 à 14h54
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Ça par exemple, revoilà les Rolling Stones. Cela doit faire vingt ou trente ans qu’on les traite de pépés du rock, ce qui ne les empêche pas de revenir régulièrement sur scène, comme cet été, en Europe. Toute occasion est bonne, comme un anniversaire : il y a justement soixante ans que le groupe donnait son premier concert, le 12 juillet 1962, au Marquee Jazz Club de Londres. D’où la tournée « Sixty ».
En 62, seuls Mick Jagger et Keith Richards en étaient. Charlie Watts est arrivé l’année suivante, en 1963. Avec sa mort, le 24 août dernier, on a bien cru que ç’en était fini du plus grand groupe de rock. Sur la scène du stade olympique de Munich, dimanche soir, une séquence filmée lui rend hommage en ouverture, c’est bien le moindre. On l’y voit tour à tour souriant, pince sans rire, concentré, cheveux longs puis courts, drôle, efficace, Charlie quoi.
Et puis ça démarre pour un petit rodéo urbain, « Street Fighting Man », le titre qui ouvre la seconde face du sulfureux album « Beggars Banquet », paru en 1968, c’est dire ! D’emblée, Mick Jagger part à la conquête du public, parcourant en tous sens l’étroite avancée de scène qui s’enfonce dans la foule. Attitude conquérante qu’il conservera tout au long du concert.
Les shows des Stones en stade ont souvent été comparés à des événements sportifs. Il y a donc, forcément, une période d’échauffement, dont pâtit « 19th Nervous Breakdown », quelque peu brouillon. Et puis, ça démarre progressivement, avec « Rocks Off » et puis « Tumbling Dice », un bijou serti dans l’album de 1972, « Exile on Main St. ». Avec un court solo, Ron Wood, guitariste stonien depuis le milieu des années 1970, a l’air d’avoir un peu plus de mal. Blouson de cuir élimé, bonnet bleu, on a peut-être perdu le pirate, mais conservé Keith le guitariste, qui signe une conclusion nette et sans bavure.
And then they were three...
Pour accompagner le trio restant, car seuls Mick, Keith et Ron constituent les Rolling Stones désormais, Steve Jordan a pris place sur le tabouret de Charlie, dont il a la polyvalence jazz, rock et même rhythm’n’blues. Comme il cogne un peu plus fort que son prédécesseur, le volume sonore général a tendance à s’élever. Le reste du groupe est constitué d’accompagnateurs de longue date : Chuck Leavell et Matt Clifford (claviers), Darryl Jones (basse), Tim Ries & Karl Denson (saxophones), ainsi que les chanteurs Bernard Fowler et Sasha Allen.
Ce petit monde apporte quelques touches bienvenues, comme le sax baryton sur « Tumbling Dice », le duo flûte traversière et sax soprano pour un émouvant « Ruby Tuesday », ou encore la puissance d’une paire de ténors pour donner à « Midnight Rambler » ou à « Miss You », titre traditionnellement peu apprécié des fans de base, un chaloupé rhythm’n’blues.
Classiques revisités
Tous ces classiques sont, ainsi, subtilement retravaillés. Même un titre archiconnu comme « Sympathy for the Devil », rabâché sur certains stations de radio, bénéficie d’une approche renouvelée, notamment dans le croisement des guitares. Les vénérables Rolling Stones ont profité de l’occasion pour remettre l’ouvrage sur le métier. En même temps, ne boudons pas notre plaisir à entendre tourner quasi en boucle le riff ravageur de « Jumpin’ Jack Flash », pour le coup entêtant.
Et Mick dans tout ça ? Tel qu’en lui-même. On va dire un peu moins à galoper de long en large et en travers de la scène, moins Mick Jogger. Mais, pour le reste, outre le fait qu’il va sans cesse chercher le public, même en allemand, le chanteur conserve une voix qui porte toujours autant. Elle monte même encore à des niveaux auxquels un Paul McCartney ou un Robert Plant ont renoncé depuis longtemps.
Adrénaline
À part ça, le petit Jagger est toujours aussi coquet, changeant de tenue excentrique toutes les trois chansons, défilé de mode à lui tout seul. Et il ne se prive pas, à 78 balais, de petits déhanchements provocateurs sur « Miss You ». On imagine l’adrénaline qu’il ressent lorsqu’il se retrouve, au milieu de la foule transie, à tout faire pour la soulever. C’est comme Keith Richards, lorsqu’il récupère le micro, traditionnellement, sur deux titres en milieu de concert. Sauf que là, « Connection » et « Slipping Away » sont moins bien réussis…
Pas grave, il conserve tout son capital sympathie. La sélection des chansons couvre toute la carrière du groupe, du moins dans sa période créative. Si les albums « Let It Bleed », « Aftermath », « Beggars Banquet » ou « Exile » sont bien représentés, on regrettera l’absence du chef-d’œuvre de 1970 « Sticky Fingers ». « Brown Sugar », « Sister Morphine » ou « Bitch » sont-ils devenus politiquement incorrects ?
Bref, cela fait longtemps déjà qu’on les dit « too old to rock’n’roll », ce que les Rolling Stones, jusqu’à présent, s’appliquent à démentir à chaque fois. Alors que Mick et Keith vont tout doucement vers leurs 80 ans, les voir ainsi se démener avec autant d’enthousiasme et de réussite sur scène force à ce point l’admiration que ça en devient émouvant. Les cohortes, que dis-je, les légions de fans ne s’y trompent pas, qui les suivront jusqu’au bout et au-delà. Sachant que, toujours, ils auront « Satisfaction ».