Primavera : "Programmer des artistes dans un festival est un acte politique"
Créé en 2001 par des promoteurs tout acquis au "rock indie" et désireux de proposer une expérience "plus humaine", Primavera est devenu tout aussi gigantesque que ses concurrents. Une édition portugaise existait déjà, d’autres seront lancées cette année à Santiago (Chili), Buenos Aires (Argentine), Sao Paulo (Brésil) et Los Angeles (USA). Mais le festival insiste depuis toujours sur "ses principes".
Publié le 09-06-2022 à 14h53 - Mis à jour le 11-06-2022 à 15h05
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"En 2019, nous étions les premiers à proposer une affiche équilibrée, comportant 50 % d'artistes masculins et 50 % d'artistes féminins" , nous explique Marta Pallarès, qui dirige la communication du festival Primavera. " Durant les semaines qui ont suivi cette annonce, nous avons reçu beaucoup de réactions négatives. Des gens nous disaient : 'Vous n'arriverez jamais à vendre des t ickets', 'vous allez perdre tous vos fans'… Mais nous avons battu nos records de fréquentation, le samedi soir, en programmant une artiste de Barcelone : Rosalia ."
Une affiche ouverte et diversifiée
" Maintenant, cette approche est entrée dans les mentalités " , poursuit Marta Pallarès. "Nous allons évidemment continuer, mais aussi donner plus de visibilité à la communauté LGBTQIA +, aux musiciens de couleur, toutes les communautés qui manquent parfois de visibilité."
De nos jours, programmer des artistes a bel et bien un impact sociétal, presque politique. "Ce n'est pas 'presque', c'est politique", réagit la communicante du festival. "L'art est politique, la musique est politique, nous avons une énorme responsabilité." Certains artistes ont déjà été déprogrammés pour avoir tenu des propos homophobes ou violents. Ce fut également le cas chez nous, au festival de Dour il y a quelques années.
Déprogrammer les Russes ?
Ces dernières semaines, la guerre en Ukraine s'est également invitée dans les programmations. La productrice de techno russe Nina Kraviz a été éjectée de certains festivals pour ne pas s'être clairement et rapidement positionnée contre le conflit et la politique de Vladimir Poutine. Ce ne fut pas le cas au Core festival, ni à Primavera, où elle se produira le 12 juin, soit le lendemain de la venue du groupe ukrainien Molchat Doma. "Déprogrammer quelqu'un simplement parce qu'il est Russe, reviendrait à punir deux fois cette personne. Nina Kraviz n'a jamais exprimé le moindre soutien à Vladimir Poutine dans sa volonté de faire la guerre à l'Ukraine."
Cancel culture ou pas ?
Le débat est nécessaire, la question complexe : la culture - espace fondamentalement basé sur la liberté d'expression - doit-elle renier certains artistes en raison de leurs opinions, ou même, de leur absence d'opinion ? Dans ce cas, où tracer la frontière entre des propos acceptables et d'autres qui ne le sont pas ? "Pour moi c'est très simple, répond Marta Pallarès, la ligne, c'est le respect des droits fondamentaux. N'importe qui exprimant une position contraire au respect des droits fondamentaux peut faire l'objet d'une déprogrammation. Après, il faut faire cela avec prudence, remonter aux propos initiaux, voir exactement ce qui a été dit, dans quel contexte ."