La Monnaie réussit une splendide reprise des "Huguenots"
Malgré le covid, la Monnaie réussit une splendide reprise des "Huguenots", la production d’Olivier Py.
Publié le 16-06-2022 à 17h41 - Mis à jour le 16-06-2022 à 17h42
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Il est de ces spectacles dont on garde un souvenir marquant même si, au fil du temps, on finit par se demander si on ne les a pas idéalisés. La possibilité de les retrouver est presque comme un rendez-vous entre deux anciens amants, où l’on se rend avec un mélange de fougue et d’appréhension : était-ce vraiment aussi bien ? comment a-t-il supporté l’injure du temps ?
La Monnaie avait fait l'événement en 2011 avec sa production des "Huguenots" de Meyerbeer confiée à Minkowski et Py : une œuvre devenue rarissime, longue (plus de quatre heures de musique), mais servie par une direction musicale idéale et une mise en scène d'une intelligence et d'une efficacité implacables. Onze ans plus tard, le spectacle n'a rien perdu de ses vertus scéniques. L'œuvre a gagné encore en actualité - le combat entre papistes et calvinistes fut une guerre de religion, oui, mais aussi et surtout une guerre fratricide comme il y en a de tout temps - et, si la direction musicale d'Evelino Pido n'a pas l'inventivité et la théâtralité de celle de Minkowski (le chef italien est un bon Kapellemeister, capable de bien gérer des grands ensembles, et il y en a ici, mais manquant parfois d'inventivité et de grâce), la distribution est meilleure encore que la première fois.
Problème au chœur
Il s’en est pourtant fallu de peu : la résurgence du covid dans les chœurs a contraint la direction de la Monnaie à annuler la première, initialement prévue dimanche, mais aussi la générale et la pré-générale. La représentation de mercredi était donc la première occasion pour les solistes, pratiquement tous en prise de rôle, de se retrouver après sept jours de confinement. Est-ce pour cela qu’ils donnent tous avec tant de générosité et de flamme ?
Qui évoquer d’abord ? Enea Scala, Raoul au physique de rêve et à la voix de miel, solaire et superbement projetée, homogène dans tous les registres et si formidablement expressif, rayonnant et ouvert au quatrième acte qu’on lui pardonnera quelques coups de glotte inutiles en début de soirée ? Karine Deshayes, magnifique Valentine au timbre de velours et à la combativité émouvante ? Ambroisine Bré, d’une aisance, d’une puissance et d’une virtuosité éblouissantes dans le rôle du page Urbain ? On pourrait tous les citer en fait, car aucun ne démérite : Lenneke Ruiten, Marguerite de Valois à la technique éblouissante, Vittorio Prato, qui réussit à traduire avec élégance toute la complexité du personnage de Nevers, Nicolas Cavalier, impeccable Saint-Bris, ou Alexander Vinogradov qui s’affranchit peu à peu du style un peu raide des basses russes pour enfiler le costume du vieux Marcel. Et les Belges bien sûr, pour la plupart passés par les programmes MM Soloist et MM Laureate de la Monnaie : Pierre Derhet en Cossé, Patrick Bolleire en Thoré, Blandine Coulon en Dame d’Honneur, Margaux de Valensart (coryphée puis bohémienne) et surtout Maxime Melnik, injustement évincé de l’Opéra de Liège voici quelques semaines et qui donne ici une remarquable présence au rôle, habituellement discret, de Bois-Rosé.
Avec aussi les superbes costumes et les décors impressionnants mais jamais envahissants, car habilement modulables de Pierre-André Weitz, avec ce génie de Py qui divise la scène en vertical mais aussi en horizontal pour montrer les affrontements, avec le souffle de l’œuvre, on passe une soirée grandiose. Même si, oui, il y a quelques longueurs.
Bruxelles, La Monnaie, jusqu’au 2 juillet ; www.lamonnaie.be