The Rolling Stones à Bruxelles, la nostalgie de la fin
Mick, Keith et Ronnie étaient de passage au stade Roi Baudouin pour faire leurs adieux, forcément émouvants, au public belge, lundi soir.
- Publié le 12-07-2022 à 11h41
- Mis à jour le 17-07-2022 à 13h03
lI y eut d'abord la polémique, les places à 489 euros dans le "Diamond Pit", 299 euros dans le "Golden Pit", 149 euros au fond du stade ou dans la fosse, avec les braves gens n'ayant pas nécessairement envie de se délester d'un rein pour voir une dernière fois leur groupe fétiche.
Plus de 46 ans après leur dernier concert bruxellois, le retour des Stones dans la capitale était facturé cher, vilain et davantage que chez certains de nos voisins. Ce qui donne généralement un public de VIP et sponsors aux premiers rangs, quelques privilégiés aux seconds, et une masse de fans juste derrière. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le stade n'était donc pas "complet", ce lundi soir, et plusieurs badauds tentaient encore de revendre des places devant les barrières. Quelques petits malins ont dû faire une bonne affaire.
Charlie, la classe incarnée
Lorsque Kaleo entre en scène pour assurer la première partie, à 19h30, les 50.000 spectateurs font encore gentiment la file au bar. Le son du stade, lui, est déplorable. On l'entend à peine à quelques mètres, et un écho prend le relais dans les gradins. Le pauvre rockeur islandais fait ce qu'il peut, mais semble aussi seul que dans l'arrière-pays de son île natale avec son blues parfaitement calibré pour la bande FM. Pas facile d'ouvrir pour une légende, le cadeau est empoisonné, la performance poliment saluée.

À 20h45 précise, l'ambiance change du tout au tout lorsque s'affiche sur les écrans le visage de Charlie Watts, de loin le plus classe de tous les Stones, décédé à 80 ans en août dernier. Calme, métronomique, souvent placide, Charlie incarnait la force tranquille entre les pitreries égocentriques de Richards et Jagger, qui ont valu en leur temps de solides dépressions aux génies qu'étaient Brian Jones et Mick Taylor. L'hommage est fort, touchant, le public n'a pratiquement jamais entendu le son de sa voix mais regrette l'homme et sa présence magnétique.
"On a volé nos vêtements"
Mick, Keith et Ronnie montent sur scène quelques minutes plus tard sous les "hourras" de l'assistance. La charte vestimentaire est respectée, inchangée et colorée : Mick se présente en jeans slim et survêtement vert fluo, Keith arbore une magnifique veste zébrée et un bandana mauve, qui se marie fort bien avec la veste de Wood. "Street Fighting Man" retentit dans les baffles, la folie s'empare de Bruxelles. "Je ne m'y attendais pas, mais je suis super ému"nous lance un confrère. Il y a quelque chose de personnel, familial, presque fusionnel, dans la scène qui se déroule sous nos yeux. Les plus âgés retrouvent de vieux amis, le goût d'une époque folle où leur avenir restait à écrire. Les plus jeunes célèbrent la transmission familiale, les pères et mères qui passaient Sticky Fingersou Let It Bleed à fond dans la bagnole.

Richards et Wood font gentiment leur truc dans leur coin, on ne peut pas demander à deux messieurs de 78 et 75 ans d'avoir la même pêche que sur le mythique Get Yer Ya-Ya's Out de 1969, même si la comparaison est tentante.
Et puis il y a Mick. La veille, Monsieur se baladait encore dans les rues de Bruxelles, comme s'il découvrait la ville, avec photos et grands sourires à la clé devant une statue de Jacques Brel. Ce lundi soir, il est partout, déchaîné, parcourt la scène de gauche à droite et harangue la foule comme s'il avait encore tout à prouver. L'énergie de Jagger est tout bonnement incroyable, sa joie d'être présent communicative. "Nous sommes allés dans les Marolles", lance-t-il, après avoir salué le stade en trois langues. "Et il semblerait que quelqu'un ait volé les vêtements des Stones que portait le Manneken-Pis".
Un "Midnight Rambler" d'anthologie
Le vieux "19th Nervous Breakdown" précède "Tumbling Dice" et "Bitch", seul extrait de Sticky Fingers (1971) dont nous regrettons "Can't You Hear Me Knocking", joués certains soirs sur cette tournée. "Out Of Time" et "Beast Of Burden" font le travail, avant le premier grand moment de cette soirée : un "You Can't Always Get What You Want" choral et allègrement repris par les fans.
Un solide backing band composé de cuivres, claviers, choristes et Steve Jordan à la batterie se charge de donner du relief et un semblant de gospel à l'ensemble, malgré la qualité du son. "Living in a Ghost Town" est dispensable, mais introduit "Honky Tonk Woman".

Vient ensuite le moment, sacré, de franche rigolade, durant lequel un Richards malicieux s'empare laborieusement mais joyeusement du micro pour chanter "Slipping Away" et "Connection". Petit cadeau de Jagger à son ami, avant de reprendre les choses en main sur "Miss You".
Suit, enfin, l'enchaînement diabolique de "Midnight Rambler", "Paint It Black", "Start Me Up" et "Gimme Shelter". On a un peu mal pour Richards, dont les solos sont poussifs et écourtés. Wood semble plus en forme, pour une fois, et une vigoureuse choriste vient donner de la voix sur "Gimme Shelter", mais passe plus de temps à s'agiter qu'à chanter. N'est pas Merry Clayton qui veut.
Le final, lui, est acquis d'avance. "Jumpin' Jack Flash", "Sympathy For The Devil" et "(I Can't Get No) Satisfaction" clôturent cet adieu en fanfare. Il y avait beaucoup de générosité et un vibrant parfum de nostalgie, ce soir, à Bruxelles. Lorsque Richards s'avança sur le long catwalk pour saluer la foule, son signe de main disait au revoir. Merci les gars, ces soixante années étaient superbes, et cet adieu en valait largement la peine.

