La folie, inspiratrice ou délétère face à la "normalité" ?

Rencontre avec Isabelle Bodson, directrice des Festivals de Wallonie.

Martine Mergeay
La folie, inspiratrice ou délétère face à la "normalité" ?

Quel lien entre le "waw, c'est dingue !" d'un public survolté et les errances harmoniques d'un Gesualdo ? Entre les titres provocateurs de Satie et les endiablements de la Folia (le plus grand tube de tous les temps) ? Alors que les Festivals de Namur et de Saint-Hubert battent déjà leur plein, nous avons posé la question à Isabelle Bodson, directrice de cette manifestation à sept branches, déployée de juin à octobre à travers la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Vous avez placé cette édition 2022 sous le thème de la folie : sans vouloir vous offusquer, un thème un peu fourre-tout, non ?

(sourire) Moins qu'on pourrait le croire… C'est un thème très riche méritant d'être décliné de différentes façons. Oui, le thème (musical) de la Folia est un bon vieux tube, mais il est irrésistible et il a inspiré une foule de compositeur depuis six siècles. Voilà déjà un axe de programmation, qui lui-même a fait des petits… Autre angle d'approche : la personnalité de certains compositeurs et l'on pense évidemment à Schumann, même si son étiquetage de "fou" mérite des nuances, ou à Carlo Gesualdo, ou à Hugo Wolff ou à un ovni comme Erik Satie. On peut aussi songer aux Années folles, d'une incroyable effervescence créatrice, dans un contexte mondial lourd de menaces.

À cet égard, la période que nous traversons n’est pas mal non plus...

C’est un autre volet de ce thème : quels parallèles établir entre les différents contextes historiques, le nôtre compris ? Comment interroger la question de la normalité ? Et de son corollaire, la transgression ? Selon l’inspiration et la sensibilité des artistes eux-mêmes, toutes ces questions se retrouvent au fil des concerts, certains débridés, d’autres, intérieurs et méditatifs… Non, le thème n’est pas "fourre-tout", mais aussi large que l’âme humaine.

Au-delà des programmations des différents festivals, avez-vous des projets transversaux ?

J’évoquerai d’abord le volet social, avec "Un fauteuil pour tous", initiative destinée aux personnes porteuses de handicap ; les "Tickets solidaires", soit la possibilité pour le "grand" public de contribuer à payer des places pour des publics dits "précarisés" ; et les "Concerts solidaires", donnés dans les lieux de vie des bénéficiaires, homes, hôpitaux, maisons d’accueil pour primo-arrivants, et parfois lieux d’exception mis à la disposition du festival. Près de cinq cents personnes ont bénéficié en 2021 de ces concerts parallèles. Nous avons aussi mis en place un sympathique objet touristique : une Discovery Box, à s’offrir un jour de bonne humeur ou à mettre sous le sapin (!), comprenant deux places pour un concert, une nuit à l’hôtel et une activité insolite et gourmande.

Vous produisez cette année un projet original lié aux 60 ans de Musiques nouvelles...

L’élaboration du "Radio concert" fut une aventure en soi ! Sous l’impulsion de Jean-Paul Dessy, huit producteurs de radio - dont Didier Melon, Patrick Leterme, Sylviane Hazard ou Philippe Baron - ont sélectionné deux à trois titres emblématiques des soixante dernières années et les ont confiés à huit compositeurs et compositrices d’aujourd’hui, le tout réorganisé comme une émission radio mais donné en concert. C’est à la fois léger et profond, et c’est formidable.

Vous avez aussi deux merveilleux "artistes associés"...

La soprano Sophie Junker et le multiclaviériste Anthony Romaniuk voyagent d'un festival à l'autre avec leur programme Isolation (imaginé au lendemain des confinements) et cette question : la solitude peut-elle nous conduire à une certaine forme de folie ? Avec la réponse forte et consolante de la musique elle-même.

Prochainement à Namur, Saint-Hubert et Stavelot. Ensuite en Brabant wallon, Liège et Hainaut. Infos : www.lesfestivalsdewallonie.be

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...