Daniel Auteuil revient en Belgique… en chanson : “Je n’ai rien à prouver ni à expliquer”
Désormais également auteur, compositeur et interprète, le comédien donnera deux concerts en Belgique, à Bruxelles et à Mons, avant la sortie de son second album en mars.
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Publié le 30-01-2023 à 18h22 - Mis à jour le 31-01-2023 à 11h29
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À tout juste 73 ans – il les a fêtés il y a une semaine -, Daniel Auteuil n’entend pas lever le pied. Le comédien sera le 2 février sur la scène du Centre culturel d’Auderghem et huit jours plus tard sur celle du Théâtre Royal de Mons pour deux concerts lors desquels il présentera son nouvel album à venir en mars. Après Si vous m’aviez connu sorti en 2021 sur lequel il signait trois textes, les autres étant ceux de grands auteurs, voici venir Si tu as peur, n’aies pas peur (de l’amour), dont il a cette fois-ci écrit toutes les paroles et la plupart des mélodies qui ont ensuite été arrangées par Gaëtan Roussel.
Après les précédents concerts, le public de Daniel Auteuil va découvrir quelque chose de musicalement très différent. “On est toujours dans la tradition de la chanson française mais ce sera assez rock”, nous confie le comédien et chanteur désormais accompagné par quatre musiciens dont il loue le talent. Avant sa venue en Belgique qu’il apprécie toujours autant, il nous a accordé un entretien pour en savoir plus sur cette nouvelle aventure.
Votre second album arrive d’ici quelques semaines. Vous avez pris goût à la musique ?
”L’écriture, c’est une vieille histoire. Mais j’ai pris goût à la réalisation des choses, au passage de l’écriture du texte à la musique, au fait qu’avec mes amis musiciens on revisite mes mélodies. Tout ça a une finalité : imprimer le résultat sous forme d’album, parce que j’aime ça, et surtout me retrouver sur scène pour aller raconter aux gens ces histoires que j’ai imaginées. Ce partage sur scène, c’est un goût que j’ai depuis très longtemps.”
Commet vous est venue cette idée de vous mettre à la musique ?
”Disons plutôt comment la musique est revenue dans ma vie. J’ai des amis musiciens et chanteurs. Chez eux, traînent toujours des guitares et je voyais leurs enfants en jouer. Quand mon jeune fils s’est mis aussi à la guitare, pour l’encourager, j’en ai aussi acheté une et j’ai profité de son professeur. Je suis ensuite tombé sur des textes poétiques que je me suis amusé à mettre en musique. Je trouvais que ça tournait pas mal et je me suis mis à écrire les miens. Au lieu que ce soit le père qui transmette au fils, ça a donc été l’inverse.”
Vous avez à nouveau travaillé avec Gaëtan Roussel. À quand remonte votre première rencontre ?
”Il y a trois ans. C’est une rencontre extraordinaire. Humainement, il y a une sorte d’alchimie qui s’est créée. Gaëtan Roussel est très talentueux mais c’est surtout un gentilhomme, un homme de cœur. Dans son rapport aux autres, il n’est presque pas de son époque tellement il a un respect des autres. Il est sincère, c’est pour ça que sa musique et ses paroles ont un tel succès.”
C’est lui qui vous a fait franchir le pas de l’écriture des textes ?
”Oui, il m’a dit d’écrire mes textes après le premier disque où j’en avais écrit deux ou trois. Il m’a fait comprendre que cela changerait tout. Chaque fois que j’écrivais une chanson, je la lui faisais lire et lui, il mettait le tampon. Il m’a libéré. Il a ouvert le barrage de mon imaginaire.”
Vous ne vous êtes pas demandé si vous mettre à la chanson, ça n’allait pas être pris comme un caprice de comédien qui veut se la péter ?
”J’ai 73 ans. Je me fous absolument de ce qu’on va dire. Je n’ai rien à prouver ni à expliquer. Le principal, c’est d’être crédible dans ce qu’on fait, de présenter aux gens un travail sincère. L’âge a des inconvénients mais aussi des avantages ! J’ai la chance d’avoir toujours du succès dans le cinéma. Faire de la musique, ce n’est pas une compensation. C’est une énergie que j’ai en plus.”
En 1985, vous avez sorti deux 45 tours, dont “Que la vie me pardonne” qui a rencontré un beau succès à l’époque. C’était bien parti…
”Ça avait commencé avant ça, avec des comédies musicales. Il a eu Godspell, un opéra rock autour de Jésus (1972). Puis il y a eu Charlie Brown dans laquelle j’interprétais le chien Snoopy. J’ai absolument tout fait. Mes parents étaient chanteurs d’opéra et toute la famille faisait de la musique. Je suis né environné par ça. Mais avec le caractère que j’ai, j’ai eu envie de faire autre chose. Mais cette musique que j’ai entendue, elle était en moi. Et comme je ne veux pas vivre de frustration, il fallait bien que ça sorte. Pour ne pas somatiser et avoir des plaques rouges partout. (rire)”
Le succès de “Que la vie me pardonne” ne vous a pas incité à continuer sur cette voie plutôt qu’au cinéma ?
”Le 45 tours marchait très bien mais tout de suite derrière, il y a eu Jean de Florette et Manon des sources. C’eut été dommage de ne pas suivre cette voie aussi. Ça a été un succès ravageur, international, qui me pousse encore aujourd’hui. J’ai tourné avec les plus grands metteurs en scène sans discontinuité. Et ça continue. Le dernier film que je viens de faire, c’est avec Joachim Lafosse.”
Le cinéma étant très chronophage, c’est facile de combiner votre agenda cinéma avec la musique ?
”Le cinéma est plus organisé. Un tournage, c’est 6 à 8 semaines de telle à telle date. Quant à la promo, c’est une semaine à 10 jours et puis c’est réglé. La chanson, c’est plus chronophage. Les disques, il faut des mois avant qu’ils ne sortent. Il y a les premiers filtres à la radio : ça passe ou ça ne passe pas. C’est pour ça que je vais directement sur la scène pour proposer ma musique aux gens.”
La scène en musique, c’est différent de la scène au théâtre, discipline que vous avez aussi beaucoup pratiquée ?
”L’énergie est identique, de même le courant qui passe. Mais en musique, vous ne jouez pas un personnage, vous êtes vous-même. Il n’y a pas ce quatrième mur en face que vous n’avez pas le droit de franchir sinon on dira que c’est Daniel qui est sur scène et pas le personnage qu’il interprète. Avec la musique, c’est moi qui suis en face du public. Et c’est cette proximité qui fait qu’il y a un échange d’émotion très direct.”
Quelle carrière que la vôtre ? Elle est dingue !
”Oui… Comment dire ? C’est magnifique, en effet. Parce que je le veux. J’ai toujours cette énergie, cette envie et des choses à me prouver à moi-même malgré tout. J’ai besoin d’avancer. Le grand truc que j’ai vis-à-vis du public, c’est qu’il vient se laisser surprendre parce qu’il ne sait pas très bien à quoi s’attendre. Il vient me voir et c’est à moi de ne jamais le décevoir. C’est une question de respect.”
En matière de musique, quels sont vos artistes de référence ?
”Je suis très éclectique. En France, j’aime des gens comme Gaëtan Roussel, Benjamin Biolay, les premières chansons de Julien Doré. Mes références, c’est Léo Ferré, Barbara, la grande chanson française. Mais la classe absolue, c’est Léonard Cohen. Des artistes libres qui prennent le temps de faire des chansons de 5 minutes qui racontent des histoires. Eux ont eu une vie pour faire cela, moi, beaucoup moins.”
”Gaëtan Roussel m’a libéré”
Comme le premier, ce second album, Daniel Auteuil l’a réalisé avec le chanteur de Louise Attaque.
En mars 2021, le single “Je me jette à ton cou”, extrait de l’album Est-ce que tu sais, faisait sensation avec la participation exceptionnelle de Daniel Auteuil. Depuis, le chanteur de Louise Attaque et celui qui n’était encore “que” comédien ne se quittent plus. C’est Gaëtan Roussel qui était aux manettes du premier album de Daniel Auteuil sorti quelques mois plus tard à la surprise générale. Il y signait nombre des musiques et les arrangements. Rebelote sur Si tu as peur, n’aies pas peur (de l’amour), du moins pour ce qui est de la direction artistique puisque la plupart des mélodies viennent de Daniel Auteuil.
Leur rencontre remonte à trois ans, explique le comédien et chanteur. “C’est une rencontre extraordinaire. Humainement, il y a une sorte d’alchimie qui s’est créée. Gaëtan Roussel est très talentueux, mais c’est surtout un gentilhomme, un homme de cœur. Dans son rapport aux autres, il n’est presque pas de son époque tellement il a un respect des autres. Il est sincère, c’est pour ça que sa musique et ses paroles ont un tel succès.”
Et s’il a franchi le pas de l’écriture avec ce nouveau disque, c’est bien à Gaëtan Roussel qu’il le doit. “Après le premier disque, il m’a dit d’écrire mes textes. Il m’a fait comprendre que cela changerait tout. Chaque fois que j’écrivais une chanson, je la lui faisais lire et lui, il mettait le tampon. Il m’a libéré. Il a ouvert le barrage de mon imaginaire.”
Un panthéon où trônent Léo Ferré, Barbara, Adamo et Leonard Cohen
La question était inévitable puisqu’il s’agissait de parler musique avec Daniel Auteuil : quels sont ses artistes de référence ? Sans surprise, il se dit très éclectique et le nom de Gaëtan Roussel est le premier à sortir. Mais aussi celui de Benjamin Biolay. Ou encore, les premiers titres de Julien Doré qui ont fait mouche dans l’oreille du comédien.
Mais la base reste ce qu’il appelle la grande chanson française. À savoir Léo Ferré et Barbara. Adamo aussi. Il y a deux ans, il confiait sur France Info être fou du chanteur désormais italien et belge. “Je l’aime par frustration, expliquait-il. Il est passé à Avignon quand j’étais jeune. J’étais sorti les deux soirs d’avant, et ce soir-là mes grands-parents qui me gardaient m’ont empêché de sortir. Mais je l’ai entendu par la fenêtre ouverte.”
Quant à sa première claque musicale, Daniel Auteuil la doit à Serge Reggiani quand celui-ci se produisait en première partie de Barbara. En 2021, il confiait que cela tenait au fait que Reggiani était aussi acteur et qu’à l’époque, c’est vers le cinéma qu’il penchait. Lors de sa tournée précédente, Daniel Auteuil reprenait d’ailleurs du Serge Reggiani.
”Mais la classe absolue, c’est Leonard Cohen”, nous glisse-t-il après avoir également cité Alain Bashung et Nick Cave. Ce qu’il admire, ce sont ces artistes libres qui prennent le temps de faire des chansons de cinq minutes pour raconter des histoires. “Eux ont eu une vie pour faire cela, moi, beaucoup moins”, dit-il en guise de conclusion.