François-Frédéric Guy, une vague de couleur et de poésie
Invité aux Flagey Piano Days, le pianiste français y jouera Debussy et Murail
- Publié le 06-02-2023 à 14h45
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Il est un des pianistes les plus actifs et des plus prolifiques de la scène musicale internationale, chambriste, soliste, concertiste, sans cesse sur le pont, en récital ou en studio ; et pourtant François-Frédéric Guy est le plus disponible des hommes, souriant, disert, toujours prêt à partager ses passions. Nous l’avons rencontré à quelques jours des Flagey Piano Days (tenus du 8 au 12 février), où il se produira parmi d’illustres confrères, toutes écoles réunies, d’Abdullah Ibrahim à Elisso Virsaladze, rejoints, entre autres, par Lukas Vondracek, Ilia Papoian, Boris Giltburg, Anthony Romaniuk ou Jonathan Fournel.
Vous avez commencé votre carrière par l’ascension – triomphale – de l’Everest en jouant et enregistrant toute l’œuvre pour piano de Beethoven, sonates, musique de chambre et concertos. Vous avez récolté une avalanche de distinctions et, bien sûr, le cachet de “spécialiste de la musique allemande” – c’est-à-dire la musique de la structure, de l’harmonie, du contrepoint. Et vous voilà soudain à l’autre bout de la galaxie avec les Français Debussy et Tristan Murail, explorateurs des couleurs et des timbres, et même, pour le second, du “spectre”, école alternative de la musique post-webernienne...
Beethoven a toujours été et restera mon alpha et mon oméga ! Sa révolution, il l’a liée au romantisme et à l’expression des sentiments. Debussy en a mené une autre, portant sur le langage musical lui-même, notamment en “cassant” la tonalité et en introduisant le charme de nouveaux intervalles. Puisque vous parlez de couleurs, sachez aussi que je viens d’enregistrer un double album consacré à Chopin – eh oui ! – et que j’ai toujours pratiqué, créé et enregistré, la musique de mes contemporains. Parmi eux, Tristan Murail a baptisé une œuvre récente Fantaisie-Impromptu, ce qui en dit long sur son lien avec Chopin dont il est finalement l’héritier, via Liszt, Debussy, Scriabine et Messiaen, tous à la croisée des chemins entre l’atonal et le spectral, empruntant tous des formes accessibles et sublimes !
Comment faire entendre les irisations sonores propres à la musique spectrale sur un instrument aussi “fixé” que le piano ?
Tout est dans l’imagination du pianiste, dans son orchestration imaginaire, intérieure. Mon inspiration vient de mon immersion précoce dans l’opéra et dans les richesses infinies de l’orchestre, singulièrement chez Wagner et Richard Strauss, que j’ai énormément écouté. Même si, aujourd’hui, je suis en amour de Chopin qui n’a grosso modo écrit que pour le piano (rire)…
Beethoven, Tristan Murail, et aujourd’hui Chopin... Comment faites-vous le lien entre des passions aussi contrastées ?
Ce qui m’a toujours guidé, c’est la “grandeur” de la musique. Certaines musiques sont faites pour jalonner l’Histoire (de la musique) avec un grand H, pour en tracer la ligne, en former le dessin. Ce sont celles que je recherche et que je tente de pratiquer. Il y en a d’autres, belles mais plus anecdotiques, et qui ne m’intéressent tout simplement pas…
Votre discographie est impressionnante, et toujours farouchement attachée aux “grands” que vous évoquez… François-Frédéric Guy, un pianiste né qui aborde tout avec facilité ?
Trente-neuf albums à ce jour, oui, c’est beaucoup, mais je suis surtout un bûcheur… Cela dit, s’il n’y avait pas eu le confinement, je n’aurais jamais eu le temps de me plonger dans la musique de Chopin, si différente de toutes celles que j’ai abordées jusqu’ici et dont je me demande si elle n’est pas celle que je préfère entre toutes (rires) ! Pour revenir au récital donné à Flagey, j’aimerais provoquer l’ambiguïté entre Debussy et Murail et laisser l’auditeur dans le doute. Par exemple, j’associerai Reflets dans l’eau de Debussy et Cailloux dans l’eau de Murail, ou encore Feux d’artifice de l’un et Le Misanthrope de l’autre, de quoi valoriser ces musiques sublimes, les éclairer mutuellement et en souligner les profondes affinités.
À Flagey, le samedi 10 février à 18h.
Flagey Piano Days, du mercredi 8 au dimanche 12 février, 16 concerts et récitals. www.flagey.be