"Beyoncé est la première héroïne pop à s’être déclarée féministe, à avoir rendu ce mot cool et moderne"
Beyoncé, la pop star mondiale ultra-sexy est une image du féminisme actuel. La comédienne Noémie De Lattre l’évoque, dans un essai qui relève le nom des femmes de notre matrimoine.
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Publié le 12-02-2023 à 13h17 - Mis à jour le 12-02-2023 à 13h24
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Qui sont les femmes inspirantes qui vous guident dans l’existence ? Caroline Lesire, diplômée en sciences du genre, et Alexandra Ughetto, sociologue, ont donné la parole à leurs contemporains, qui listent, dans un livre au titre exploratoire, – Donne-moi des elles – , ces noms de femmes dont les parcours les ont marqués. Des femmes assez peu connues qui composent une nouvelle histoire, une histoire des femmes de nouveau visibilisées
Christophe Fauré, Florence Servan-Schreiber, Mathieu Ricard : tous dressent le portrait d’une femme qui les a marqués. La comédienne Noémie De Lattre choisit, elle, de parler de la chanteuse Beyoncé. En pleine actu post Grammys, où la chanteuse a raflé tout ce qu’elle pouvait gagner, faisant preuve d’une puissance de feu et d’un talent indiscutables, La comédienne et humoriste Noémie De Lattre nous raconte pourquoi elle a choisi Beyoncé, en tant que femme de notre matrimoine.
Qu’est-ce qui vous plaît chez Beyoncé ? Puisque c’est elle que vous choisissez comme femme inspirante…
Vous venez de dire le mot-clé : “inspirant”. J’ai lu les travaux de femmes philosophes, de sociologues passionnantes. Mais le grand public ne lit pas ces ouvrages. Alors que Beyoncé, qui n’est pas une penseuse féministe, je vous l’accorde, et qui a plein d’égards a prêté allégeance au patriarcat – enfin comme moi, comme d’autres femmes – a fait évoluer la société. C’est la première héroïne pop à s’être déclarée féministe, la première à avoir rendu ce mot cool et moderne. Jusque-là, on se défendait de l’être, comme si c’était une insulte, ou, en tout cas, pas un mot flatteur. Et même s’il y a beaucoup de pink washing et de mercantilisation, grâce à elle – des t-shirts, “je suis féministe”, “Feminist and Proud” –, cela devient quelque chose d’enviable pour les jeunes filles de le dire. Et ça, ça n’a pas de prix…
Beyoncé incarne le féminisme tout en ayant fait de son corps, ultra-sexualisé, le véhicule de son image, sans complexe aucun. Un corps comme un étendard de son féminisme. Une idée que vous corroborez dans Donne moi des ailes, en écrivant :”Il n’y a aucune incohérence à être féministe et à porter un body string”.
De tout temps, les hommes ont édicté des lois sur le corps des femmes. Elles doivent cacher leurs cheveux, ne pas porter de pantalons, de crop top [mini T-Shirt qui laisse apparaître le nombril et qui a été interdit dans les collèges en France, en décembre dernier, NdlR].. On leur impose des tenues vestimentaires, une attitude corporelle… Alors ce serait vraiment malhonnête de dire aux femmes qui se libèrent, que cela va à l’encontre de leur liberté. Ça me semble une magnifique arnaque pour nous cantonner, de nouveau, à la sphère privée. Assumer son corps, le montrer est une preuve de liberté. Deuxièmement, on ne peut pas nier, que la notion d’embellissement (maquillage, talons, décolleté) suit les codes patriarcaux… Mais on vit dans une société patriarcale ! Toute femme en a fait l’expérience, mais, pour ce qui me concerne, j’ai plus de pouvoir dans la vie quand je suis sapée sexy, que quand je suis moche. J’ai plus de chance d’avoir un boulot, par exemple… J’ai l’impression qu’en m’interdisant cela, on m’enlève un peu de pouvoir encore. Et, troisième argument, même si, pour moi, les deux premiers suffisent, à partir du moment où je considère que mon corps m’appartient, le seul point de vue valable est mon expérience vécue. Mon corps n’est pas un objet fait pour être regardé. Quand j’en prends soin, quand je l’embellis, je suis en train de 'm’empuissancer'. Je suis en train de perfectionner mes outils, ma joie, mon corps à moi !
Difficile peut-être de faire passer, auprès des plus jeunes femmes, qu’on peut être une femme multiple et pas seulement, “la bonne meuf”, comme l’écrit la penseuse Virginie Despentes. Beyoncé sait véhiculer cette idée, selon vous ?
Je ne sais pas comment on fait pour “être multiple” quand on est femme, mais je trouve la question extrêmement intéressante. Les femmes sont toujours cantonnées à un statut. La Mère, la Vierge ou la Putain. Mais désormais on peut dire : “Je veux bien de la putain au lit, mais au travail pas question”.
-- > Pour compléter la lecture de portraits de femmes inspirantes qui nourrissent notre matrimoine, “Donne moi des Elles”, de Caroline Lesire et Alexandra Ughetto, chez Jouvence, 292 pp., 19 € env. À suivre, aussi, les dédicaces du livre à Waterloo, le 16 février, à la librairie Grafitti, à Waterloo, le 3 mars, à L’Escale, à Liège.
-- > À suivre, une conférence, “Rendre leur pouvoir aux femmes, visibiliser le matrimoine”, le 2 mars, au Solbosch, avec les autrices de “Donne moi des Elles” et les autrices de “Victorieuses”, de Safia Kessas, et Camille Wernaers. Infos et rés. : www.emergences.org
-- > À lire, l’essai de Noémie De Lattre, Journal. L’histoire de mon coeur et de mon cul, chez Albin Michel.
