Les talents fous de la Chapelle
Au Bozar, trois musiciennes en ambassade, sous la houlette de Dumay.
Publié le 09-03-2023 à 18h22 - Mis à jour le 10-03-2023 à 14h41
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C’est l’exercice annuel d’une des plus grandes écoles supérieures de musique d’Europe : ce 8 mars, réputé Journée des Droits des Femmes, le Concert de Gala de la Chapelle musicale Reine Elisabeth avait attiré la toute grande foule au Bozar (une autre foule liée aux droits des femmes occupait le bas de l’Albertine, il y avait du monde dans le quartier…). Et c’est tout naturellement, que, parmi les quelque soixante artistes et ensembles en résidence cette année à la Chapelle, trois femmes avaient été élues pour porter les couleurs de l’institution, en présence de la reine Paola et du roi Albert.
Autre privilège du jour : la participation du Wiener Kammerorchester, convoqué sous la forme de “petit symphonique” (cordes et bois), traditionnellement associé à la musique de Mozart. Car Mozart avait la part belle (comme souvent à la Chapelle), rehaussé, pourrait-on dire, par la présence de Richard Strauss, un de ses héritiers lointains et fervents. On sait qu’une des bases pédagogiques de la Chapelle est le "compagnonnage" entre les jeunes artistes et les maîtres en résidence, c’est donc l’un de ceux-ci, Augustin Dumay, attaché à la refondation de la Chapelle, en 2004, qui assurait la direction du concert, ainsi que quelques subtils solos au violon, notamment pour les Lieder de Strauss.
Strauss, plénitude et beauté
Première soliste de la soirée, la soprano belge Louise Foor est issue de la classe de chant lyrique de l’IMEP (Namur) – la même classe dont est issue, par exemple, Jodie Devos. Outre l’allure, la beauté, la présence scénique, la jeune soprano se distingue par une voix souple et lumineuse, travaillée dans une esthétique raffinée – legato parfait, aigus suspendus, sens du texte – notant que la voix pourrait encore gagner en projection. En duo avec le violon de Dumay, elle offrit deux des plus beaux lieder de toute la littérature (avis subjectif…) : Morgen et Beim Schlafengehen (ce dernier issu des Vier Letzte Lieder).
À Mademoiselle Jeunehomme
Deuxième soliste de la soirée, la violoniste néerlandaise Hawijch Elders, 24 ans, toute menue, réservée dans l’attitude mais déterminée dans le jeu, joua le Concerto n° 4 en ré majeur, de Mozart, dont on mesura, une fois encore, combien il peut se révéler ingrat… Tout était en place, certes, mais sans cette grâce et cet élan qui signent une véritable liberté d’interprète, sauf au cours du finale, à l’écriture pleine de rebondissements, dans lequel la jeune femme se montra soudain plus à l’aise. C’est à la pianiste marocaine Nour Ayadi, 23 ans, étoile de la nouvelle génération (et fraîchement diplômée de Polytechnique, à Paris…), que l’on dut le sommet de la soirée, avec un Concerto Jeunehomme, K. 271 (toujours Mozart) pris sur les chapeaux de roues (l’orchestre a eu chaud), où la jeune femme attesta une musicalité profonde et cultivée, et une inépuisable créativité, maîtrise en sus. Le public, parmi lequel se retrouvaient de nombreux mécènes, lui réserva une ovation, ainsi qu’à ses compagnes, revenues pour un joyeux salut final.