Miossec sort son 12e album, presque 30 ans après le premier: "A-t-on encore des trucs à raconter ou vaut-il mieux fermer boutique ?"
En 1995, le chanteur breton sortait son premier album, "Boire". Et voici, en 2023, "Simplifier". Un 12e opus qui porte bien son nom, "comme si le verbe contenait la mission".
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Publié le 19-03-2023 à 08h09
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Le 24 décembre 2022, Miossec a eu 58 ans. Pas encore l'âge de la retraite… Pour l'heure, l'auteur compositeur et interprète français sort son 12e album. Ce qui nous vaut ce commentaire, alors qu'on le joint par téléphone à Brest : "On évite de compter." L'opus comporte onze titres, pour moins de trente minutes : Miossec va droit au but - il a le sens de la formule. "Être bref, c'est un peu le retour aux racines. Ce désir, aussi, de ne pas monopoliser l'attention. Un morceau de 3 minutes 30, c'est trop long." Simplifier, qu'il disait. Le titre s'est imposé.
On ne sait jamais quelle part de nous-mêmes se trouve dans les chansons.
À l'écoute des textes, on pourrait croire que le chanteur rockeur regarde dans le rétroviseur. "L'album a été écrit pendant la tournée anniversaire de Boire [sorti en 1995]. C'est peut-être pour cela qu'il y a ce parfum de bilan. Pendant cette tournée, j'ai croisé des gens qui avaient été touchés par cet album quand ils étaient jeunes. Donc, oui, cela pousse à faire le point. Qu'est-on devenu 25 ans plus tard ? Et surtout, a-t-on encore des trucs à raconter ou vaut-il mieux fermer boutique ?, commente l'intéressé en précisant, même si elle n'est jamais innocente, on ne sait jamais quelle part de nous-mêmes se trouve dans les chansons."
Christophe Miossec chante "Tout est bleu" (sur la désillusion du couple - "Nous ne serons jamais comme ceux/qui au bout d'un moment se ressemblent"), "Mes disparus" (les amis décédés), "Une histoire de soleil" (sur le dérèglement climatique), "L'adolescence" (le titre parle de lui-même), "Je souligne" (la séparation et le vidage d'un appartement)… "Je m'appelle Charles", aussi, comme un écho à "Samedi soir au Vauban", où il rend hommage au patron du fameux hôtel-bar-restaurant de la cité du Ponant. "C'est mon ami, je ne lui ai pas fait écouter la chanson après. Je la lui ai chantée en direct, un soir au bar", détaille-t-il pour raconter comment le célèbre Charles en a pris connaissance.
Il n'y a pas eu de grande bourgeoisie à Brest qui nous aurait dit comment nous tenir. Par conséquent, le vouvoiement n'existe pas.
Brestois un jour, Brestois toujours. "Ici, je me sens moi-même. On revient toujours à l'endroit du crime. C'est bête à dire, le Finistère Nord est une région particulière qui ne ressemble à aucun autre coin de France. Ici, tout le monde se tutoie, par exemple." Une raison particulière à ce que d'aucuns prendraient comme une trop grande familiarité ? "Il n'y a pas eu de grande bourgeoisie à Brest qui nous aurait dit comment nous tenir. Par conséquent, le vouvoiement n'existe pas." Tant qu'à revendiquer son appartenance régionale, Miossec emploie même des expressions bretonnes ("je vous vois partir en distribil", "je vous vois partir à dreuze" pour signifier, partir "en vrille" et "de travers"). "Ici, tout le monde connaît leur signification, même ceux qui ne parlent pas breton", explique-t-il.
Dans une première vie, Christophe Miossec a été journaliste. À la Réunion, à Ouest-France en Bretagne ainsi que des piges pour des journaux nationaux. Sa chanson "Qui, quoi, où, comment et pourquoi ?" fait indubitablement penser aux questions de base qu'un journaliste se doit de répondre dans l'article qu'il va rédiger. "Des questions de base qui peuvent également servir pour résumer une vie." "J'ai toujours aimé la presse locale. Qui raconte la vie quotidienne des habitants. Je suis triste de voir son état ainsi que celui de la presse en général, d'ailleurs", s'émeut celui qui confie faire partie de cette génération qui continue à lire les journaux. "Je suis atterré. Dans les grandes réunions des quotidiens, il y a des diplômés d'écoles de commerce qui expliquent comment écrire les articles. Comment tout se comptabilise au nombre de likes. On demande aux journalistes de réduire leurs articles. C'est à pleurer par moments."
"J'avais tellement aimé le travail de Florence Aubenas que je voulais le relever.
Il subsiste encore l'une ou l'autre exception. Comme le travail de Florence Aubenas, grande reporter au journal Le Monde, qui sortait récemment Ici et ailleurs et qui, auparavant, a mené une enquête de longue haleine sur l'assassinat d'une postière et l'accusation de l'acteur Gérald Thomassin, vivant comme un marginal. "J'avais tellement aimé le travail de Florence Aubenas que je voulais le relever, en reparler et pouvoir justement revenir sur ce journalisme où on donne du temps au sujet." Il en a fait une chanson : "Meilleur jeune espoir masculin".
C'est agréable de disposer d'une base qui ne se trouve pas dans les ordinateurs ou dans le style d'un batteur actuel.
Simplifier pour Christophe Miossec, cela signifiait aussi faire naître les morceaux à partir d'une seule boîte à rythmes, une Elka Drummer One de 1969. "Celle-là, je l'ai trouvée sur leboncoin.fr. C'était comme une apparition biblique, raconte-t-il en riant. Cette boîte permet de ne pas être dans les canons de l'époque. L’idée n’était pas de faire un disque misérable, non plus. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas beaucoup d’éléments qu’il faut que ça soit pauvre. C'est agréable de disposer d'une base qui ne se trouve pas dans les ordinateurs ou dans le style d'un batteur actuel. " On n'en attendait pas moins de celui qui, au mitan des années 90, sortait Boire, un brillant album qui allait bouleverser le paysage musical de l'époque.
Un soin particulier a été porté au livret du CD. À l'heure du streaming, cela a-t-il encore un sens ? "Quitte à confectionner un objet, autant réaliser quelque chose qui soit plaisant quand même", commente Miossec dont les ventes d'albums tournent autour des 30 000 exemplaires, "ce qui, dans mon cas de figure, n'est pas trop mal. C'est grâce à cela que je peux encore vous parler de mon travail. En 30 ans de carrière, j'en ai connu des gens qui ont dû arrêter la musique. C'est un métier quand même assez sportif", relève-t-il dans un rire étouffé. Sa marque de fabrique, qui cache une grande timidité, mais aussi une vraie modestie.