Quatre opéras en deux soirs : pari gagné pour la Monnaie
"Bastarda" est non seulement la fusion brillante de quatre Donizetti, mais aussi un grand spectacle populaire.
Publié le 26-03-2023 à 15h12
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Affaire de cycles : après son faux triptyque Mozart/Da Ponte en 2020 et son vrai Trittico de Puccini en 2022, la Monnaie aura, avant sa Tétralogie wagnérienne annoncée pour 2024 et 2025, inventé et réussi une tétralogie donizettienne en deux soirées. Francesco Lanzilotta et Olivier Fredj signent un véritable spectacle populaire qui, nonobstant l’intelligence brillante qui sous-tend sa construction et ses transitions, en met plein les yeux, les oreilles et même l’esprit.
Une véritable biographie lyrique
Certes, le long résumé (20’ encore de texte parlé) qui ouvre le deuxième épisode, s’il éclaire les nouveaux venus, pourra agacer ceux qui ont suivi la première soirée. Les textes, d’ailleurs, n’ont assurément pas tous la même qualité. Quant à la scène finale choisie (celle de Maria Stuarda), elle est forcément le produit d’un choix subjectif : chacun passe la dernière demi-heure du spectacle à se dire qu’il aurait bien imaginé le voir s’arrêter là. Mais l’essentiel est ailleurs : une véritable biographie lyrique, qui remet en perspective quatre opéras qu’on connaissait (plus ou moins) de façon isolée.
Coup de chapeau à Francesco Lanzilotta, tant pour sa direction musicale attentive et énergique que pour son talent d’artisan couturier qui a relié avec finesse et discrétion les différents passages sélectionnés. Coup de chapeau aussi à tous les chanteurs, tenus de respecter les exigences techniques de rôles souvent très exposés, mais aussi de le faire dans un contexte théâtral complètement différents.
Au sommet de la pyramide, on mettra l’éblouissante double prestation de Raffaella Lupinacci (dans les rôles de Seymour, puis de Sara) et l’extraordinaire Amy Robsart de Valentina Mastrangelo : toutes deux allient intonation, projection et rondeur dans tous les registres. Juste derrière, on manque de superlatifs pour la Bolena bouleversante de Salome Jicia, ou l’impeccable résistance de Francesca Sassu dans l’écrasant rôle d’Elizabeth : la soprano italienne impressionne par la puissance et la précision de ses aigus, même si le medium reste effacé. Eloges aussi pour les séduisants Leicester d’Enea Scala et Roberto de Sergey Romanovsky, ou pour la Maria Stuarda forte et digne de Lenneke Ruiten. Bien présent dans son rôle d’Henri VIII de Bolena, Luca Tittoto semble plus effacé quand il revient ensuite jouer les conseillers dans les opéras ultérieurs. Dans les autres seconds rôles, on saluera Bruno Taddia (Nottingham) et Gavan Ring (Cecil), mais ce n’était pas une bonne idée de confier le rôle du page Smeton (généralement confié à une mezzosoprano ou à une contralto) à David Hansen : le contreténor australien ne manque pas de présence quand il joue le Monsieur Loyal, mais ses aigus sont laborieux et peu séduisants. Enfin, on saluera encore la non-chanteuse qui fait jeu égal avec les grands gosiers : Nehir Hasret, une présence hallucinante du haut de ses douze ans dans le rôle très développé d’Elizabeth enfant.
La Monnaie, jusqu’au 15 avril ; en streaming du 13 mai au 23 juin sur www.lamonnaie.be