Défilé de grandes voix : Silvia Sequeira et Jasmin White confirment les attentes
Ouverture intense de la demi-finale du Concours Reine Elisabeth de chant, lors de la session de mercredi après-midi
Publié le 24-05-2023 à 22h27
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Quatre chanteurs coréens seront de la partie ce mercredi après-midi, à commencer par la basse Inho Jeong, 31 ans qui ouvre son récital avec l’air de Fiesco (Simon Boccanegra de Verdi). Sa voix large et puissante convient moins bien à Duparc : prononciation correcte mais noyée dans les harmoniques et le vibrato, climat uniment dramatique, sans conduite spécifique, à l’inverse de ce qu’il révélera ensuite dans une mélodie de Rachmaninov, plus élaborée et plus construite, ainsi que dans Bellini, dont la seconde partie mettra en valeur une relative volubilité…
Manque de nuances
Après tant de décibels, A Chloris, de Reinaldo Hahn, est un délice… Sens du discours, legato, charme même, se retrouvent chez Sungho Kim, ténor de 21 ans, dont le plaisir de chanter explose à tout instant. Le lied de Schumann est de la même veine, trop sentimental, mais cohérent. Dans Mozart – l’air de Ferrando, issu de Cosi fan tutte – le registre est délicat, à la fois vaillant et tendre, et très aigu… Le candidat s'en sort plutôt bien mais au prix de cette liberté qui l’a caractérisé jusqu’ici. En Duc de Mantoue (Verdi), il est parfait, surtout si l’on l’imagine à Orange, mais adieu la nuance. Celle-ci fera mine de revenir au début de l’air de Werther mais le cédera à nouveau à la surpuissance. Dommage.
Apprécié au premier dans des airs où sa vis comica fit merveille, le ténor Jinhoon Son, 32 ans, se présente cette fois dans des airs délicats, où il se révèle très à l’aise, offrant au passage une riche gamme de nuances et de couleurs. Après Tosti et Rachmaninov, il offrira un détour vers la légèreté avec l’air de Lindoro de L’Italiana a Algeri, de Rossini, enlevé et sous contrôle, et dans le personnage de Beppe, le mari de la belle Rita (Rossini), un rôle en or pour cet artiste qui, sous des dehors bonhommes, fera preuve de style et de subtilité.
Deux chanteuses déjà dans la légende
Extase à l’écoute de la soprano portugaise Silvia Sequeira, 30 ans : timbre riche, chaud, lumineux, révélateur d’émotions, la déclaration d’amour de Salomé, ou le poème de Hesse, issu des Vier Letzte Lieder de Strauss, qui trouve ici une version digne des plus grandes. L’air d’Adriana Lecouvreur (Cilea) et plus encore “Pace Pace” (Leonora, Verdi) offrent d’autres facettes de l’immense talent de la chanteuse, notamment un grave puissant et modulé, et une gamme infinie de nuances où même le fortissimo hallucinant de la fin devint beauté.
Avec Phidylé de Duparc, le ténor Junho Hwang, 24 ans, paiera la douceur d’un manque de clarté dans la diction, mais la réserve s’effacera à mesure que s’intensifiera cette mélodie délicate. “Ah, lève-toi soleil”, (Faust), est hyperconventionnel mais tout y est, sauf la surprise… Plus costaud, l’air d’Alfredo (La Bohème) confirme la solidité vocale du jeune Coréen mais fera regretter la version si imaginative donnée par Sungho Kim deux jours plus tôt… Un sourire quand même pour Ah, mes amis (Donizetti) dans lequel on appréciera la solidité technique du candidat en attendant que se libère sa dimension artistique…
Comptant parmi les favoris de cette session, la contralto américaine Jasmin White, 29 ans, ouvre par une berceuse de Montsalvage tout en douceur, en tendresse, en légèreté. Plus soutenue, ce sera ensuite un spiritual valorisant la souplesse de sa voix, la puissance de ses aigus, jamais criards, son sens du drame, sa versatilité – ici vertu – et sa monumentale stabilité. Vocalises inattendues et réussies dans “Di tanti palpiti”, du Tancredi de Rossini, et dans l’air d’Ulrika (Un Ballo in maschera de Verdi), concentration de tous les pouvoirs de cette immense artiste : sens de la scène, beauté des graves, tension dramatique.